L'ancien berger de Cargèse est le seul accusé dans ce dossier contre lequel l'enquête ne peut opposer aucun élément matériel. Ni téléphonie – pourtant la pierre angulaire de l'édifice policier, la DNAT ayant pu mettre à mal les alibis du commando grâce à la géolocalisation de leurs téléphones portables – ni ADN ou empreintes digitales, ni reconnaissances par des témoins oculaires. L'implication d'Yvan Colonna repose uniquement sur les aveux des conjurés durant leurs gardes à vue en mai 1999. La question légitime est pourquoi ? Pourquoi les conjurés le mette t-il en cause ?
Il ne s’agît pas d’un crime ordinaire, mais du crime ignoble d’un préfet de la république, lâchement assassiné auquel ses assassins n’ont laissé aucune chance. Soyons clairs, rien ne peut justifier l’assassinat d’un homme, encore moins de cette façon.
Sans chercher aucune excuse aux auteurs, nous ne sommes pas dans le cadre d’un crime de droit commun, mais bel et bien d’un crime politique, assimilé à un acte terroriste et jugé comme tel devant une cour d’Assise spécialement composée, créé en 1986 pour réprimer les actes terroristes.
Cette dimension politique ne peut être écartée si on veut comprendre ce qui se passe dans cette affaire.
Tout ce qui suit est simplement un filtre de lecture pour comprendre entre les lignes les véritables enjeux de ce procès. Je ne détiens pas la vérité sur la participation de qui que ce soit, sur la culpabilité ou l’innocence de qui que ce soit. Mes propos sont simplement le fruit d’une analyse.
La plupart des observateurs qui tentent de comprendre cette affaire font preuve d’ethnocentrisme. Il n’est pas possible de comprendre quoi que ce soit si on élude le côté politique de cette affaire. Ce n’est pas un crime de droit commun.. Les membres du commando ne sont pas de simples citoyens, mais des personnes qui défendent, aujourd’hui encore une cause.
Que ce soit Versini, Maranelli ou Ferrandi, ils n’ont pas réellement l’intention de “sauver” Yvan Colonna. C’est une des raisons pour laquelle ils ne donneront aucun détail. L’autre raison tien au fait qu’ils n’ont pas agît seuls dans leur coin. Ils se sont fait manipuler par plus fort qu’eux.
Ces gens sont toujours des militants, et considèrent que la cause vaut bien le sacrifice de quelques vies (celle du Préfet, et celle de Colonna). Les histoires de luttes nationales sont remplies de sacrifices d’innocents. Que vaut la vie d’un homme au regard de la cause ?
En disculpant Colonna, sans le faire réellement, ces gens ont pour but de continuer le combat, de réveiller les consciences du nationalisme Corse et attirer des jeunes Corses. Ce procès leur procure une tribune inespérée.
Ils l’ont avoué sans détour, l’assassinat du Préfet Erignac avait pour but de créer un électrochoc dans le mouvement nationaliste. Il devait ressouder le mouvement qui allait être attaqué de toute part par l’état. Ils ont également avoué l’échec de cette tentative, qui n’a servi à rien. Le meurtre d’innocent ne fait pas partie de la doctrine du mouvement nationaliste Corse, d’ou l’échec.
Pour eux, la victimisation de Colonna, est l’assurance de ne pas être oubliés. La condamnation d’un innocent par le pouvoir, dans un “procès d’état”, peut au contraire permettre d’atteindre le but qu’ils s’étaient fixés.
Corte, le fameux informateur du Préfet Bonnet, disait d’eux : ” Ils sont très forts. Ce sont des joueurs d’échecs qui ont toujours plusieurs coups d’avance”
Mais pourquoi Colonna me direz vous ?
Entre le meurtre du préfet et l’arrestation du commando, plus de quinze mois se sont écoulés.. Ce qui laisse largement le temps de réfléchir.
A cette époque, le processus de Matignon est en gestation. Les membres du commando ont pu élaborer un plan qui pourrait les faire amnistier en cas de problème.
En 1999, Colonna à la triple particularité d’être :
- Le fils de Jean-Hugues Colonna (ex Mr Corse à l’intérieur dans un gouvernement de Gauche -> Il ne s’est pas fait que des amis dans le mouvement nationaliste). Ses relations peuvent servir..
- Le beau frère de Joseph Caviglioli, une personnalité du mouvement nationaliste.
- Une figure du mouvement (ex membre du comité exécutif de la Cuncolta du temps de Pierre Poggioli).
Il parait évident qu’il présente toutes les caractéristiques, mieux que personne d’autre, pour être le soldat qui va “soulever du monde” pour leur venir indirectement en aide en cas de pépin. A dessin, provoquer l’électrochoc attendu..
D’ailleurs, l’amnistie des prisonniers politiques a été évoquée durant le processus de Matignon. Ce que n’avait pas prévu ces gens, c’est la réaction de Mme Erignac, qui s’en est offusquée dans la presse (elle a d’ailleurs été reçue a Matignon peu de temps après), ce qui a fait reculer Jospin, 1er ministre de l’époque. Mme Erignac était et est toujours soutenue par les énarques (le vrai pouvoir dans ce pays).
http://www.ina.fr/media/entretiens/video/1777694005013/duplex-dominique-erignac.fr.html
En 2007, lors du premier procès, Maître Gilles Simeoni a directement mis en cause l’avocat Maître Stagnara qui est intervenu lors de la garde a vue des membres du commando, en indiquant que bizarrement les prévenus avaient tous accouchés le nom de Colonna après avoir vu cet avocat. Me Stagnara a des liens très étroits avec le Mouvement nationaliste dirigé par Charles Pieri. Une mise en cause pour le moins inhabituelle, qui n’aurait pas lieu d’être sans fondement.. N’est pas anodine la question de Yvan Colonna à Joseph Versini « et toi tu ne dis rien à ton avocat, tu ne lui dit pas que je n’y suis pour rien…. » |
Mais le malaise ne s’arrête pas a ces considérations politiques..
Yvan Colonna inconnu avant l’arrestation des membres du commando ?
A la question légitime du « Pourquoi » les conjurés mette t-il en cause Yvan Colonna on peut ajouter : Pourquoi certaines personnes chargées de l’enquête mentent à la barre, sous serment ?
Au dire des personnes en charge de cette enquête, Roger Marion et les juges de la section anti-Terroriste, le nom de Colonna leur était inconnu avant la révélation en garde à vue par les membres du commando et leurs épouses. Or visiblement la vérité est tout autre si l’on en croit Gérard Zerbi (patron du raid en 99) qui indique, dans le livre « Place Beauvau » que « le citoyen de Cargese aurait pu être arrêté au printemps 1999, si le Raid n’avait pas été écarté du dossier… ».
Guerre des polices ? Divagation d’un policier qui voudrait se venger ?
Cela semble peu vraisemblable si on se réfère à la note du Préfet Bonnet, rédigée le 10 décembre 1998 (la première du 16/11/98 n’ayant pas été suivie d’effet) contredit cette thèse.
Le 10 décembre 1998, le préfet récidive. Il fait taper une nouvelle note, cette fois par sa secrétaire, en un seul exemplaire, qui signale à nouveau que Ferrandi est «un élément capital pour l'enquête» et le vrai patron du groupe. Le préfet fait noter qu'il s'est trompé: l'assassin d'Erignac serait Yvan Colonna, et non son frère Stéphane comme il l'avait mentionné dans la note précédente. Il explique que Castela, Ferrandi et quelques autres se sont réunis le 19 août chez la soeur de Ferrandi à Ajaccio; les policiers avaient bien suivi Castela jusqu'à l'immeuble, mais n'avaient pas découvert l'appartement. Suit un paragraphe sur les motivations des nationalistes. Bonnet remet sa note le lendemain au ministère de l'Intérieur et au procureur, avec qui il a un nouvel entretien, et qui transmet ces éléments au juge Bruguière. Le juge ne s'en émeut guère, d'autant qu'il ne sait pas comment le procureur a obtenu ces éléments, et tous ces noms ne lui disent d'ailleurs rien.
Pourquoi des hauts fonctionnaires auraient menti lors de leurs auditions, sous serment ? Y a t-il une raison ? Pourquoi prendre ce risque ?
Ces hauts fonctionnaires ajoutent de go que les gardes à vues ont été étanches (ce qui est normalement la règle, du moins dans les textes).
Il n’est pas rare que certains prévenus, que tout accuse, soient relaxés sur des erreurs de procédure… Or, dans cette affaire, a part les gardes a vues, rien n’accuse Yvan Colonna.
En 2007, Stéphane Durand-Souffland chroniqueur judicaire émérite du figaro, relate une explication de Yvan Colonna :
« Le nom de Colonna n’apparaît pas au hasard. Eric Tessier [ancien capitaine de la Division nationale antiterroriste (DNAT)] l’a dit ici : pour lui, Colonna, Alessandri et Ferrandi, c’était comme les trois doigts de la main. Ce sont ces trois noms qu’on a proposés à Didier Maranelli lors de sa garde à vue. M. Tessier nous a décrit, mon frère et moi, comme des militants du FLNC-Canal historique : nous le réfutons totalement. ».
D'autres enquêteurs ont déclaré sous serment l'exact contraire. Pour Eric Teissier, ancien de la DNAT désormais en poste à la police judiciaire de Caen, Yvan Colonna faisait carrément partie d'une «liste d'objectifs d'interpellations». «Policièrement parlant, Yvan Colonna faisait partie des objectifs sensibles, on en parlait», s'est souvenu le policier, ajoutant que l'objectif Colonna a subitement disparu quelques jours avant les arrestations. «Ce nom courait, à un moment donné il n'a plus couru, je m'en étonnerai toujours», a-t-il expliqué, précisant que «le seul qui décidait, c'était le chef Marion».
Déclarations confirmées par un second enquêteur, Jean-Pierre Stebel, capitaine de police dans les Alpes-Maritimes et ancien de la DNAT. Lui aussi a assuré que «Colonna était initialement prévu dans les objectifs, mais il en a été retiré». Pour quelle raison? L'enquêteur se risque à évoquer de «possibles instructions politiques, du ministère (de l'Intérieur) ou au-delà», sans plus de précisions. Une chose est sûre, selon lui : à l'époque, Roger Marion était le patron omniscient de la DNAT, «un service dans lequel on n'avait pas le droit de penser».
Jean-Pierre Colombani, ancien officier des RG en Corse, dit, comme il l'avait déjà fait devant la commission d'enquête parlementaire en 1999, devant la cour, "en décembre 1998, déjà, il y avait dans ce service, des policiers qui pensaient que Colonna était l'assassin"
http://www.slate.fr/story/39325/proces-colonna-polyphonies-corses
Quand Mme Laurence Levert, Juge à la section anti-Terroriste, co saisie de cette affaire, se prend les pieds dans la moquette.. lors de son audition en 2009.
Pourquoi certaines pièces ont-elles été écartées du dossier ?
La défense réclame depuis le début de l’affaire les PV des fameuses écoutes et surveillances réalisées sur les frères Colonna à partir de Décembre 98. Selon certains officiers des RG (Jean-Pierre Colombani), ils étaient surveillés H24. Propos confirmé par d'Amaury de Hauteclocque, ancien patron de l'unité d'élite) les Colonna ont été également pistés «H 24», soit 24 heures sur 24, par le Raid. Les frères Colonna ont d’ailleurs retrouvé des balises GPS sous leurs voitures (on apprendra que les gendarmes avaient eux aussi placés une balise GPS), qu’ils se sont amusés à exhiber dans leur village. On peut se demander si des personnes qui ont quelque chose à se reprocher se feraient remarquer en exhibant des balises policières retrouvées sous leur voiture ?
En 2007, le Juge Mme Levert affirmait (sauf erreur de notre part) que ces écoutes n’existaient pas. En 2009, ces Pv sont apparus alors que la défense et Yvan Colonna avaient quitté les débats. En 2011, le N° 1 de la police en France (Mr Pechenard) fait savoir à la cour que les écoutes ont été détruites.
Elles ne prouvent peut-être rien ces écoutes, mais alors pourquoi ne pas les avoir versées aux débats ? Pourquoi les avoir dissimulées ?
L'absence de ces écoutes est d'autant plus problématique que l'accusation se sert de leur contenu pour affirmer que des échanges de coups de fils ont lieu entre les conjurés.
Par ailleurs, les gardes à vues prétendument étanches ont pris l’eau. La défense fait remarquer à la cour que le PV de garde à vue de martin Ottaviani est la copie conforme d’un autre PV, à la faute d’orthographe près. Les concubins Maranelli ont pu se parler avant d’accepter de faire leur déposition, idem pour les époux Ferrandi. Madame Hubert-Balland, compagne de Joseph Versini indique qu’on lui a tendu le PV d’Alessandri avec la liste des noms en haut à droite (Ce qu’elle confirmera, quelques jours après, à sa fille lors d’une conversation téléphonique placée sur écoute).
Il est difficile de dire que ce sont les policiers de la DNAT qui ont introduit le nom d’Yvan Colonna, néanmoins il n’est pas interdit de se poser la question.. Sinon pourquoi certains auraient-ils menti à la barre sous serment ?
Quelque chose ne tourne pas rond. Dans la première partie de ce document, on apprend que le commando aurait volontairement impliqué Yvan Colonna, puis dans la deuxième partie ce serait les policiers qui auraient introduit le nom d’Yvan Colonna.. La question que nous sommes en droit de nous poser est : Est-ce contradictoire ?
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