La presse en 2009

Articles reproduits avec mention des sources et de leurs auteurs

Affaire Colonna - Procès d'Appel 2009


Dominique Verdeilhan
Vice-Président de l'Association de la Presse Judiciaire.


Procès Colonna: un phénomène de déjà vu
Vendredi 13 mars 2009 à 16:40
« La situation née du départ de l'accusé n'est donc pas exceptionnelle. Elle n'est pas satisfaisante pour autant. Faire porter le chapeau uniquement à la défense serait faire preuve de mauvaise foi. Certes, Yvan Colonna et certains de ces avocats ont par des attaques virulentes et outrancières installés un climat comme on en a rarement vu dans un procès. Mais dans le même temps, la cour et son président ont multiplié des attitudes qui ont semé le doute sur leur partialité et leur équité. On ne peut être que troublé quand des magistrats prennent des notes et posent des questions face à des témoins à charge et restent totalement imperméables à des éléments qui peuvent être à décharge?
Le procès Colonna se poursuit donc désormais sans aucune contradiction. La cour d'assises est dans une impasse mais l'accusation se retrouve face à un boulevard pour une condamnation annoncée. Personne ne peut se satisfaire d'un procès boiteux. Ni la famille Colonna. Ni la famille Erignac. Et encore moins la Justice. »

Sylvain ATTAL



16.02.2009

Procès Colonna: le malaise

Il est temps de confier le malaise de plus en plus grand que me procure le procès Colonna, maintenant en appel devant la cour d'appel spéciale de Paris.
Le meurtre du préfet Erignac est un des plus odieux que l'on puisse imaginer dans une démocratie. L'Etat défié est sommé de réagir. Au point de condamner à perpétuité un "coupable idéal"? Lors du procès en appel, l'accusation  est mise en capilotade, et la réaction de la cour d'assise spéciale permet de douter de son indépendance. L'actuelle Garde des sceaux elle-même ne vient-elle pas de déclarer devant des élèves magistrats que "l'indépendance n'es pas un dogme"?
Résumons les nombreuses étrangetés de ce dossier:
Dénoncé par des participants au commando comme étant le tueur, en cavale, Yvan Colonna est finalement arrêté dans des conditions curieuses qui évoquent une négociation. Le ministre de l'intérieur de l'époque, aujourd'hui Nicolas Sarkozy se félicite publiquement de l'arrestation de "l'assassin du préfet", au mépris de la présomption d'innocence la plus élémentaire. Un climat de plus en plus plombé pèse sur la cour d'assise spéciale de Paris qui débat de l'affaire en appel. On évoque une cause "sacrée". Craint-on que le chef de l'Etat ne perde la face en cas d'aquitement? Un ancien collaborateur du défunt préfet vient "soulager sa conscience", il redoute qu'un innocent soit condamné, révèle que deux membres du commando sont sans doute encore au large. Un expert balistique, à peine pris au sérieux par l'accusation, affirme que le tueur mesurait une quinzaine de centimètre de plus que Colonna. Le chroniqueur du figaro, Stéphane Durand-Souffland, vieux routier des prétoires, laisse transpirer son malaise et parle d'une athmosphère de "curée judiciaire".
Déjà certains contre-attaquent en affirmant que rien de tout cela ne prouve l'innocence de Colonna! Doit-on leur rappeler qu'en droit il ne s'agit pas de cela mais seulement de prouver la culpabilité d'un prévenu, au delà du doute raisonnable? Colonna s'est dit "condamné d'avance" et franchement on peut de moins en moins lui donner tort. Il ne faudrait pas qu'à un crime odieux, la justice de notre pays réponde par un procès politique expéditif.

Colonna toujours

17.03.2009
Je n'aime pas les comparaisons, et pourtant, un peu malgré moi, certaines images désagréables défilent en boucle: Les "sections spéciales" de Vichy administrant une justice politique...Ses verdicts au mètre. Le président de la cour d'assises jugeant Alfred Dreyfus hurlant à son avocat que "la question ne sera pas posée!", puisqu'elle n'offrait aucune réponse qui convenait à l'accusation et soulignait , au contraire, la légèreté de celle-ci. Ce procès Colonna m'obsède de plus en plus. Pas de reconstitution, pas de supplément d'enquête. La cour d'assises spéciale s'obstine. On sent en effet que le prévenu est condamné d'avance. J'ai même lu dans un compte rendu d'audience (je ne sais si ce détail ahurissant est vrai, ou s'il s'agit d'une coquille) que le président de la cour se serait laissé aller en lançant à Colonna que rien dans le dossier ne prouvait qu'il était innocent...
Je n'ai pas à me prononcer sur le fond de cette affaire, ni à faire part d'une "intime conviction". Je me souviens seulement avoir été bouleversé et révolté par l'assassinat du préfet Erignac, ému par la détresse de sa famille. Mais je sais seulement qu'au dessus de cela, il y a l'idée que je me fais de la justice et qui se résume simplement à ceci: je préfère un coupable en liberté qu'un innocent enfermé à vie.
Surtout, ce que j'ai le plus de mal à comprendre c'est que nous soyons si peu nombreux à nous alarmer de cette parodie de justice qui se déroule, là, sous nos yeux, non pas dans la Russie de Poutine mais dans la France de Sarkozy, et qui va -sauf coup de théâtre- se solder par la condamnation d'un homme à la réclusion perpetuelle. Il y a bien Apathie qui raconte ici , pour s'en indigner, le dernier épisode- hallucinant- de cette mascarade: la réapparition d'un témoin "clé" de l'accusation, subitement guéri d'une dépression, immédiatement après que la défense a annoncé son retrait du procès et ne peut donc plus l'interroger! Et que dire de la chancellerie et, encore plus étonnant de l'opposition, totalement muette et qui préfère concentrer ses tirs sur la réintégration du commandement de l'Otan qui alimente ses fantasmes d'alignement sur les Etats-Unis. Colonna sera donc vraisemblablement condamné, en vertu de la plus sombre raison d'Etat. Reste à espérer qu'il reste encore, à la cour de cassation, quelques magistrats qui disposent encore d'une conscience pour dénoncer ce déni de justice.


Philippe Madelin

Ancien journaliste de l’AFP, Auteur de Dossier J comme Justice

Justice, Colonna : une justice à se lamenter

13UTCp31UTC03bTue, 24 Mar 2009 18:53:13 +0000UTC 9,2008 by phmadelin
Heureusement, aucun journaliste étranger n’est là pour voir ce spectacle lamentable : la dernière journée de “débats” au procès Colonna qui tire péniblement à sa fin à la Cour d’Assises. Et il ne restait que deux journalistes français. Merci, merci aux déserteurs du banc de presse.
Pourquoi ? Pour voir et entendre le Président Didier Wacogne lire les dépositions des hommes et des femmes qui ont refusé de témoigner. Pour respecter la procédure, pour remplacer leurs dépositions, le Président a lu des heures durant les procès-verbaux rédigés par les policiers pour rendre compte de leurs faits, de leurs gestes, de leurs opinions. Au besoin pour se défendre contre telle ou telle accusation.
Si le Président était un acteur prodigieux, la scène serait un peu ridicule, mais admissible.
La, avec la voix bafouillante et monotone du Président, de plusen plus  fatiguée au fil des heures qui passent, le ridicule a tourné à l’épouvantable caricature d’une justice sans accusé, sans défense. Même les parties civiles n’osaient plus se mêler de cette pitrerie, une pitrerie en forme de mascarade.
Si vous l’avez compris, je ne suis pas prompt à me mettre en colère.
Mais là, trop, c’est trop. La caricature de très mauvaise justice à laquelle j’ai pu assister cet après-midi est inadmissible. Je suis horrifié. Et je ne comprends pas que les derniers acteurs judiciaires encore présents dans le prétoire ne se soient pas levés en criant : “Non, trop c’est trop”.
Je précise que ce propos ne reflète en rien mon opinion quant à la culpabilité, quant à l’innocence d’Yvan Colonna. Je n’en sais toujours rien. Mais, en mon âme et conscience, puisqu’il s’agit bien de ça, je dis, j’écris que cette image de Notre Justice, puisque c’est aussi la mienne, est triste, épouvantable.


Justice, Colonna, le duel des avocats

By phmadelin

Cinq à ma gauche, Six à ma droite.
Le procès intenté à Yvan Colonna pour assassinat devant la Cour d’Assises de Paris arrivera donc à son terme vendredi. Après une journée ou moins de délibéré, selon que le Président et et les huit jurés professionnels auront pris leur décision au préalable. Il faudra quand même un minimum de temps pour répondre aux questions posées par le Président.
Ainsi s’achèvera quasiment en queue de poisson un procès qui s’annonçait comme spectaculaire, et même exemplaire au plan de la pratique judiciaire. Avec, au cœur des débats, un combat sans merci entre les avocats des Parties civiles et de la Défense.
Pour le Président Didier Wacogne, les parties civiles siègent à ma droite. Ils sont six : Me Philippe Lemaire et Me Hanoteau conseillent la famille Erignac ; Me Benoît Chabert représente les intérêts de l’Etat en la personnalité morale de l’Agent judiciaire du Trésor ; Me Michel Bonnely parle au nom du Fonds de garantie des victimes d’actes de terrorisme, créé à l’initiative de Françoise Rudetzki ; tandis que les gendarmes victimes d’enlèvement et séquestration dans l’affaire de Pietrosella, Daniel Hiernaux et Didier Paniez sont respectivement représentés par Me Christian Frémaux et Me Caty Richard.
A ma gauche, devant la cage de verre où s’ennuyait Yvan Colonna, Maîtres Sollacaro, Gilles Simeoni, Patrick Maisonneuve, Pascal Garbarini et Philippe Dehapiot.
On ne peut pas imaginer équipes plus dissemblables aux plans des silhouettes physiques, des cultures, des méthodes de travail. L’affrontement violent était presque inévitable.
Les parties civiles ont fondé leur stratégie sur un postulat, qui semble intangible, et dans lequel les avocats n’ont pas intégré les débats : comme le soutient l’Accusation, c’est-à-dire  le Parquet, Colonna a été l’homme qui le 6 février 1998 a abattu d’une balle dans le tête le préfet Erignac. Que les uns et les autres ne disposassent d’aucune preuve tangible, matérielle, autres que des témoignages à géométrie variable ne les a guère inquiétés.
Il fallait que Colonna soit coupable, comme l’a toujours soutenu Mme Dominique Erignac. Maître Philippe Lemaire a constamment soutenu cette position, sans la moindre nuance, parfois avec mauvaise humeur. Comme s’il était contrarié qu’on pu mettre sa conviction en doute. Son ombre, Me Honoteau a relayé sans génie cette position intangible.
Il faut savoir que Me Lemaire entendait imposer sa seule stratégie aux autres avocats, dans le secret des coulisses, il y a eu plusieurs remontages de bretelles.
Notamment avec la très blonde Caty Richard, qui défendait les intérêts du gendarme Didier Paniez.
En effet, alors qu’elle aurait dû rester cantonnée dans l’affaire de Pietrosella, pour affirmer et faire valoir sa présence, Me Richard n’a jamais cessé de déborder sur les plates-bandes de ses confrères. Sans jamais non plus écouter ce qui se disait dans le prétoire. Elle n’entendait même pas ni le Président Wacogne, ni l’avocat général Kross. Elle taillait son chemin vers la gloire. Sous l’œil plutôt surpris de son confrère Christian Frémaux qui non sans prudence et sagacité, s’est pour sa part maintenu à la mission que lui avait confié la Direction de la Gendarmerie : représenter Hiernaux en tant que partie civile. Sans s’écarter d’un iota de cette mission.
Benoît Chabert est en soi un cas à part : ce géant – il mesure près de deux mètres – tonitruant n’a cessé de ferrailler tout au long du procès pour marteler sa conviction. Colonna est coupable. Allant jusqu’à soutenir des positions assez ridicules dans le genre :
«  Quand on veut tuer un homme, on n’a jamais une position naturelle, quand on est petit, on vise la nuque. Quand on veut tuer un homme et quand on est petit, on lève le bras. »
Le tout pour « démontrer » que le tueur était bien Colonna – qui ne mesure pas plus de 1 m 70 - alors que les experts estiment que l’assassin avait au moins 1 m 80.
Mais rendons grâce à Chabert : il parfaitement tenu un rôle qui n’était pas le sien, à savoir celui de procureur, alors que les deux représentants du Parquet ont été constamment absents du procès.
Mais le vrai problème des Parties Civiles a été de devoir affronter le … vide, l’absence. Puisqu’à la moitié du procès Colonna a considéré que sa présence n’était plus utile. On a assisté alors un festival d’invectives, lâcheté, manque de courage, censées provoquer le sens de l’honneur du Corse et son retour à l’audience.
Peine perdue. Le flot d’accusations était à la fois inutile et absurde. D’où une fureur encore plus intense des avocats : ils devaient donner de formidables coups d’épée dans le vide. Ils n’avaient même pas de moulins à combattre. Ils n’avaient en face d’eux qu’une cage de verre déserte. Quelle frustration !
En face, les avocats de la Défense sont apparus comme un groupe très organisé, avec des rôles bien répartis, idéologiquement cohérent. Petit bouledogue en colère permanente, Antoine Sollacaro tenait le rôle de l’Imprécateur . Grand, mince et séducteur, Gilles Simeoni était de figure morale du « Peuple corse » tout en manifestant une parfaite connaissance du dossier. Capable de colères froides, au besoin, avec une voix montant dans le registre de la puissance, de l’orage. Coutumier des dossiers corses, mais plus posé, Me Patrick Maisonneuve n’a cessé de ramener le calme dans la petite troupe, non sans poser de bonnes questions perfides. Garbarini est le correspondant de l’équipe à Paris, il était forcément plus effacé. Quant à Dehapiot, il était préposé au contrôle de la procédure.
Une belle équipe, donc. Mais, au fur et à mesure des jours, au fur et à mesure des semaines, on les a vus baisser de ton. Comme s’ils se rendaient compte que leurs efforts étaient inutiles. Que leurs plaidoiries étaient sans objet. Comme s’ils avaient le sentiment de se heurter à un mur, à une position préétablie et intangible.
Cette impression d’impuissance a été particulièrement frappante quand ils ont réclamé une reconstitution sur place, et, au-delà, une reprise de l’instruction pour combler les lacunes d’un dossier qu’ils considéraient comme bâclé, mal ficelé, entièrement fondé sur des enquêtes policières et sur des instructions menées à charge.
Les avocats de Colonna ont été accusés d’avoir conseillé à leur client ce que les parties civiles qualifient de « désertion », et de lui avoir emboîté le pas en se retirant, en refusant leur désignation d’office. Un choix d’ailleurs avalisé par Me Charrière-Bournazel, bâtonnier de Paris.
L’accusation tombe à côté. Colonna n’a plus besoin de conseil, depuis longtemps. Il est arrivé à ce procès convaincu qu’il était condamné d’avance. Les avocats ont développé une stratégie et de rupture, et d’organisation d’un dossier en vue et de la Cassation et d’un recours devant la Cour européenne.
Ils n’avaient guère d’autre espace à occuper.
On me suspecte d’avoir plus de sympathie pour la Défense que pour l’accusation. Je maintiens que c’est une vue erronée. Je raconte ce que j’ai vu et entendu. J’ai vu que l’équipe de la Défense était plus soudée que celle de l’accusation. Et que les deux groupes n’ont cessé de s’affronter. J’ai vu et entendu aussi que les accusations contre Colonna sont pour le moins peu sûres, mal fondées, aléatoires. Pourquoi me faudrait-il taire ce que je pense au nom d’une certaine forme de « politiquement correct » ?

 

Justice, Colonna : le malaise des magistrats

45UTCp31UTC03bMon, 23 Mar 2009 09:40:45 +0000UTC 9,2008 by phmadelin
Philippe Antonetti ne se contente pas de dessiner avec drôlerie, il suit le procès Colonna avec l’oeil de Candide. On se réfère trop souvent aux professionnels, en oubliant ceux qui ne sont pas censés avoir une opinion. Antonetti a une opinion : je vous la communique.
Quoiqu’on puise en dire, ce refus D’Yvan Colonna de continuer à assister à ce simulacre de procès, l’expression n’est pas de moi et n’est pas la plus sévère, a quand même des conséquences positives:
-Les parties civiles sont désarçonnées et se voient contraintes d’exposer leur argumentation à la télévision, Chabert sur France5, Lemaire sur Canal+. Argumentation pitoyable, d’ailleurs, style méthode Coué ou sortez vos mouchoirs, ou on s’aperçoit que les charges écrasantes dont Lemaire nous rabat les oreilles ne sont en fait que sa conviction.
-L’opinion publique s’interroge sur ce procès étrange, sans accusé et sans défense. Malgré une couverture médiatique très limitée, elle est non seulement maintenant prête à accepter un acquittement mais aurait de très forts soupçons en cas de condamnation. Les interventions claires et argumentées de Jean Michel Aphatie (RTL), entre autres, ne sont certainement pas étrangères à ce revirement. On peut interpréter l’article du Nouvel Obs de Chemin et Etchegoin ( du style:il n’y était peut-être pas ou alors si il y était, son rôle était très secondaire) comme une mise en phase d’une presse longtemps très accusatrice avec cette évolution de l’opinion.
-Mais, dans le cas de la justice anti-terroriste, l’opinion, donc le peuple n’a rien à dire. C’est l’Etat qui juge par l’intermédiaire de magistrats désignés. De gens dont on peut toujours penser, à tort ou à raison, qu’ils sont en service commandé. Et pourtant, plusieurs évènements peuvent laisser penser à un certain flottement dans les rangs de la magistrature:
-Les bourdes du Président  Wacogne et sa façon de mener le procès, jusqu’au refus critiquable et critiqué d’une reconstitution, signes évidents pour beaucoup d’une partialité affichée avec cynisme, sont peut-être l’expression du malaise grandissant d’un homme qui remplit sa mission à contre coeur. C’est maintenant Chabert qui le traite de lâche.
-La quasi absence des débats de l’avocat général Kross, sauf pour [mal traiter] traiter M. Vinolas, contraint les parties civiles à remplir son rôle.
-Les dépositions des juges d’instruction devant une cour toute acquise sont étonnantes: si le juge Thiel déroule sans contradicteur le cheminement tortueux de l’enquête, rappelant au passage la profession de foi d’Yvan Colonna: « Je vous affirme que je ne fais pas partie du groupe des anonymes, que je n’ai pas tué le préfet Erignac. Je sais qu’il était votre ami, je vous le dis les yeux dans les yeux. » , la juge LeVert, co-rédactrice d’un acte d’accusation impliquant trois tueurs n’en retient que deux à la barre, faisant du coup disparaître Colonna!
-La confidence de Dominique Coujard , président de la cour qui a condamné Yvan Colonna en 2007  sur la durée du délibéré, estimé à plusieurs heures, en réalité une petite demi-heure pour 36 questions pose plusieurs questions: pourquoi cette confidence, pourquoi maintenant ? Le président Coujard n’étant ni un imbécile ni un débutant, ne faut-il pas y voir un élément de plus en faveur de l’expression d’un réel malaise des magistrats.
-Sur son site, le syndicat des avocats citoyens publie un article dont je vous livre la conclusion: »Dans une société démocratique, la règle est simple, un doute, un seul doute empêche le prononcé de la culpabilité avec comme conséquence un acquittement inévitable, car il vaut mieux un coupable en liberté qu’un innocent en prison.
Dans cette affaire, nombre de personnes extérieures au dossier n’ont aucun doute sur le fait que Monsieur Yvan COLONNA n’aura pas bénéficié d’un procès équitable. Dans ces circonstances, une condamnation ne serait pas l’expression de la volonté du peuple français, mais pourrait être interprétée comme l’expression de la volonté d’un groupe de personne agissant pour leur propre compte.
En état, la procédure parait pour le moins inéquitable, le doute devant profiter à l’accusé, l’acquittement apparait dès lors comme la seule solution possible. »
Nous arrivons au terme de ce procès cahotique, dans quelques jours la cour va délibérer. En l’absence totale d’éléments à charge et un nombre incroyable de points d’interrogation, un verdict d’acquittement ne scandaliserait personne, forcerait l’institution à se pencher sur le fonctionnement tant décrié de la justice anti terroriste, apaiserait les inquiétudes des citoyens après Outreau, renforcerait le poids des magistrats au moment d’un projet de réforme de la justice,  pourrait provoquer la réouverture de l’enquête, la famille Erignac ayant, comme tous les citoyens, droit à la vérité, Par contre, une condamnation sera forcément perçue comme l’exécution d’une mission confiée aux juges, dont certains, jeunes, ont sûrement une brillante carrière à poursuivre. La suspicion qu’ils aient pu, pour favoriser leur promotion, participer à une sorte de complot contre un innocent, les suivrait tout le long de leur carrière et leur attitude supposée pourrait leur être reprochée dans tous les actes de leur vie professionnelle. Autant changer de métier!
La Cour prendra sa décision vendredi.

 

Justice, Colonna, les juges balancent

By phmadelin
19 mars 2009
Comme je vous l’ai déjà indiqué je suis en train de retranscrire mes notes d’audience. D’ici au début de la semaine prochaine je serai sans doute en mesure  de publier une première liste d’erreurs ou insuffisances de l’enquête. Car il y en a. Certaines minimes, d’autres énormes.
Saga Colonna : quand les juges s’empêtrent dans leurs contradictions, Colonna effacé des tablettes
Mme Laurence LeVert s’empêtre dans ses contradictions, avec force hésitations, elle admet qu’il n’y avait que deux hommes sur les lieux de l’assassinat du Préfet Erignac, et non pas trois comme elle le soutenait  avec l’Acte d’accusation. Nous sommes le mercredi 18 mars. Les débats durent depuis près de cinq semaines, et, soudain, voici exclu de la scène du crime Yvan Colonna censé être le troisième homme du « commando ». Du coup s’effondre la construction bâtie par le Parquet.
C’est la surprise du chef dans ce procès en Cour d’Assises intenté à Yvan Colonna. Laurence LeVert devrait savoir de quoi elle parle. Elle a été avec Jean-Louis Bruguière l’un des trois juges d’instruction chargés d’éclaircir l’affaire, de bâtir le dossier à charge. Evoquant dans le désordre les dossiers 1337 – dit de la piste agricole - , 1338 – visant l’assassinat du préfet - , 1797 consacré à l’attentat contre la gendarmerie de Pietrosella. , Mme LeVert peine à rendre clairs les liens entre les différentes procédures. Elle a beau évoquer la logique judiciaire, elle parvient mal à  expliquer pourquoi tel dossier d’écoutes figurant dans le « 1337 » n’a pas été versé au 1338…
Et, à force d’atermoiements, elle a fini par balancer une part de la vérité que tous les enquêteurs se sont jusqu’alors escrimés à masquer à coups de mensonges plus ou moins patents.
En fin de comptes, dans ce procès Colonna, ont donc été plus intéressantes que prévu les dépositions des deux juges d’instruction qui ont clôturé la série des témoignages qui devaient accabler Yvan Colonna
Deuxième des trois juges d’instruction chargés du dossier, Gilbert Thiel joue aussi de la sincérité, mais sur un tout autre registre. Le registre de la tragédie à l’ancienne, belle voix de comédien, texte littéraire jusqu’à la caricature. Trois heures durant, le juge Thiel a dévidé le récit des complots qu’il a dû affronter au cours de cette enquête hors norme. Le complot des Nationalistes, évidemment, le complot des assassins lancés dans une escalade sans fin de la violence. Mais aussi et surtout complots des gendarmes de la Section de Recherche d’Ajaccio, dont le magistrat s’est appliqué à démontrer l’incapacité qui l’a conduit à les dessaisir ; complot des hommes de la PJ d’Ajaccio, obsédés par la « piste agricole » retenue comme hypothèse initiale pour retrouver les assassins du préfet Erignac. Complots ourdis par le préfet Bonnet  et par le patron de la DNAT, Roger Marion. Des obstacles qui n’ont cessé de se multiplier pour gêner son travail. Des champs de mine qu’il a dû franchir. A l’écouter, on a l’impression que Thiel a été assailli par les ennemis. Le seul qu’il semble estimer est paradoxalement Colonna. Il rappelle avec insistance la profession de foi de l’accusé, le 23 juin 2003, lors de leur premier entretien après son arrestation :
«  Je vous affirme que je ne fais plus partie du groupe des anonymes, je n’étais pas à Pietrosella, je n’ai pas tué le préfet Erignac. Je sais qu’il était votre ami, je vous le dis les yeux dans les yeux ».
Depuis, Colonna ne s’est jamais départi de cette position, toujours considérée comme “incrédible” par l’Accusation et les Parties civiles.
A part ça, 28 jours de débats dans ce deuxième procès sans qu’apparaisse Colonna. On discute de tout, sauf de Colonna. Quelquefois, on se force presque à en parler tant il est absent. Absent de sa cage de verre, bien sûr, mais aussi absent du dossier
Un point de vue que ne partage pas Me Christian Frémaux, l’un des avocats siégeant sur les bancs des Parties civiles.
Il n’en reste pas moins qu’on en est quasiment au même point. Beaucoup de suspicions, toujours aucune preuve décisive et même le sentiment que les convictions de l’accusation vacillent.
Ainsi, parmi les témoignages, on a entendu Didier Maranelli affirmer que le matin du 7 février 1998, lendemain de l’assassinat, il se trouvait à Cristinace chez ses parents, alors que Valérie Dupuis, son ancienne compagne, a reconnu devant les policirs de la DNAT que Maranelli était au même moment chez elle, à Carghese, à 50 kilomètres de là, tandis que pour l’accusation il était en fait à Ajaccio, chez alain Ferrandi. Colonna ou le fantôme tous terrains.
Tout comme le Président Didier Wacogne, l’avocat général Christophe Tessier semble parfois se substituer aux avocats de la Défense pour miner le dossier, une Défense qui n’a toujours pas rejoint son banc. Le procureur Kross est pour sa part carrément absent, on ne l’entend pas. Le procès s’enfonce dans un marais brumeux. Comme si on ne tenait plus trop à le mener à son terme.
Au niveau des magistrats, il est évident qu’on est désormais très préoccupé par l’image peu séduisante de la Justice française donnée à travers ce procès absurde. Une image symboliquement représentée hier par le témoignage d’un des policiers du RAID qui ont arrêté Colonna en 2003. Ne demandez pas ce qu’il a raconté. Il était caché derrière une paroi en verre cathédrale, sa parole si déformée par le filtrage audio qu’on ne comprenait rien. C’était absurde, surréaliste, et d’ailleurs sans importance : l’homme n’avait rien à dire.
Ainsi de jour en jour se sont entassés sur le bureau du Président de la Cour d’Assises des témoignages insignifiants. L’accusation glane parfois un minuscule détail à droite ou à gauche. Mais rien de décisif. Rien qui puisse convaincre que Colonna est coupable, qu’il mérite la réclusion à perpétuité. Puisque tel est l’enjeu fondamental, il ne faut pas l’oublier.
NB Le Nouvel Obs “découvre” la vérité sur Colonna, dans son numéro du 18 mars :
Et si le berger de Cargèse n’avait pas tenu le rôle qu’on lui attribue ? S’il était l’un des conjurés, mais pas le tueur du préfet Erignac ? C’est ce qu’a suggéré un membre du commando devant la cour d’assises spéciale. Une hypothèse qui embarrasse la défense autant que l’accusation. Ariane Chemin et Marie-France Etchegoin expliquent pourquoi, dans ce procès si lourd de secrets, cette piste n’a pas été explorée.
Cette piste est en effet restée en deshérence. Je l’avais relevée depuis une semaine, mais personne n’a semblé d’y intéresser. Le fonctionnement des journalistes est bizarre : en fin de comptes, ils restent englués dans l’acte d’accusation, ils n’écoutent pas vraiment les débats.
A plusieurs reprises, j’ai entendu dans les débats des propos et des informations qui contribuent à changer complètement la configuration de l’affaire. Par exemple, à propos des méthodes utilisées pendant les Gardes à vue, la privation de sommeil. A tout prendre, aujourd’hui, on oubliera les curieux propos de Mme Laurence LeVert. J’en étais sûr, mais j’ai préféré vérifier auprès de trois personnes différentes, en dehors de moi : elle a bien précisé que pour elle il n’y avais que deux hommes sur les lieux du crime. Et on ne parle plus ni d’un “blond”, ni de perruque, ni de grimage.
La dernière, et la moins bonne :
Guéant serait atteint à l’estomac. Selon l’Express, L’Elysée suit de près le procès Colonna. Claude Guéant, Secrétaire général de la Présidence se déclare estomaqué par les thèses défendues par les avocats de l’assassin présumé du préfet Erignac. On peut lui recommander un remède, pour ça, par exemple examiner le dossier et les débats de plus près.
Et, récupéré dans le blog de Sylvie Véran, cette réaction que je ne veux pas passer sous silence:
Je trouve la vie un peu injuste avec Marcel Istria : voilà quelqu’un qui clame son innocence depuis 10 ans, contre qui il n’y a aucune preuve matérielle, qui est condamné alors qu’il y a contre lui moins de charges que contre Yvan Colonna, et rien, pas de comité de soutien, pas de ligue des droits de l’homme, pas de campagne sur le-vigile-innocent-otage-de-la-raison-d’état, rien, que l’indifférence.
Si tant est qu’il y a des charges matérielles contre Colonna. Mais, c’est exact, il faut aussi penser à Istria.


Le 16 mars 2009
« Autour du dossier 1338, Colonna. J’ai entrepris de transcrire l’ensemble de mes notes d’audience - et impressions personnelles - . J’en suis à 500 pages de notes. Travail de romain, qui permet de redécouvrir le climat très particulier des débats. »

Le 13 Mars 2009
La balance et la Justice
«… C’est aussi le cas de figure exact dans le dossier 1338, le dossier Colonna. Le Président Sarkozy, gardien de la Constitution et protecteur de la Justice a décidé de façon unilatérale qu’un des principes fondamentaux n’a plus lieu d’être. La présomption d’innocence en l’occurrence.
Peut-être soucieux de faciliter le cours de sa carrière, on voit Didier Wacogne, Président de Cour d’Assises multiplier les actes qui vont à l’encontre d’une bonne justice. On ne peut donc s’étonner qu’Yvan Colonna et ses défenseurs s’octroient le privilège régalien de définir leurs propres règles. Au pouvoir institutionnel répondent des actions de contre pouvoir que l’on a tendance à qualifier de terroristes, parce qu’elles ne vont pas dans le bon sens sens du pouvoir. Le “Bon choix” défini par le Président Valery Giscard d’Estaing comme la doctrine. officielle. En croyant bien défendre la Justice d’Eta tces juges donnent de très mauvais coups à la Justice. Ils lui bandent les yeux.
Et on s’achemine vers une Justice à la manière totalitaire, à la manière chinoise aujourd’hui encore, à la manière soviétique hier. Une Justice où tout est décidé par le Parquet omnipotent, où les magistrats “assis”, les juges, rendent des sentances toujours strictement conformes aux desideratas du Parquet, c’est-à-dire du Pouvoir. On retourne vers la Justice d’Etat. »


Justice, dossier 1338 : Colonna. Ecoutes mystère et témoin à problème

By phmadelin
« Au cours de l’audience de jeudi, la première menée sans accusé présent, la juge Laurence LeVert a fait remettre à la Cour les compte-rendus d’écoutes téléphoniques, écartées du dossier et réclamées par les avocats d’Yvan Colonna, restées dans les cartons depuis près de onze ans. Colonna les avait réclamées le 5 mars au juge Laurence Le Vert. Les 281 feuillets ont mis une semaine à traverser le palais de justice.
Il s’agit bien cette fois de compte-rendus d’écoute, visant le contenu, et non pas simplement des indications concernant les balises qui ont permis de positionner les membres du groupe. La réapparition soudaine de ces pièces en plein procès, sans transmission à la Défense, bien sûr, ajoute un nouvel éléments problématique aux irrégularités déjà constatées dans les enquêtes.
Ce vendredi matin, le Pdt Didier Wacogne n’a pas évoqué ces nouvelles pièces miraculeusement sorties de oubliettes de la Justice... »
Compte rendu de l’audition du Ct Lebbos
« ..On oublie encore d’évoquer les 281 pages d’écoutes judiciaires Pour sa part, Yvan Colonna est extrait chaque matin de sa cellule de la Santé, conduit au Palais de Justice, enfermé dans une pièce nue du Dépôt, dans les souterrains du Palais. Il n’a pas le droit de parler à quiconque. Il doit attendre, attendre. »

Justice, Colonna, le jour de Marion

By phmadelin
Au procès d’Ivan Colonna, c’était aujourd’hui c’était au tour du préfet Roger Marion d’entrer en piste.
« En vérité, après avoir bien récité ses PV de synthèse, le Préfet Marion n’a pas cessé de… ne pas répondre aux questions des avocats de la Défense. En particulier quand Maître Gilles Simeoni a cherché à savoir pourquoi et quand le nom d’Yvan Colonna est entré dans la procédure. Peine perdue. Roger Marion est un mur de certitude : Yvan Colonna est l’assassin du préfet, prétend-il. »

Colonna, Erignac, deux logiques incompatibles
By phmadelin
Un couple de tragédie Ils sont face à face, à moins de trois mètre l’un de l’autre, et c’est le couple le plus improbable qui soit.
Face à face donc : le tueur présumé qui ne le serait pas et la veuve accusatrice.
Entre eux deux, le tueur qui revendique l’assassinat et que personne ne croit.
On n’est plus dans le fait divers, on n’est plus dans la Justice ordinaire. On est dans la grande tragédie méditerranéenne.
Figures de tragédies antiques. Il ne manque rien dans cette dramaturgie. Ni le décor d’aujourd’hui, solennel, de la Cour d’Assises. Ni le décor d’hier, une rue mal éclairée d’Ajaccio, deux tueurs surgis de l’ombre. Il ne manque ni les rôles secondaires, ni les vociférateurs, ni le chœur antique. Un chœur muet : c’est le jury, qui aurait mission de condamner l’homme du box.
Lui, enfermé dans sa cage de verre, c’est Yvan Colonna. Petit, costaud – il reste un athlète malgré ses années passées derrières les barreaux -. Une belle gueule de mâle méditerranéen, cheveux coupés super ras. Le regard sombre, attentif, les yeux courent de l’un à l’autre, son attention ne se relâche pas un instant. Le regard d’un homme libre malgré l’apparat policier qui l’enserre : deux gendarmes dans le box qui bondissent en même temps que lui quand il se dresse pour parler.
Mais pas un regard vers sa partenaire forcée. Ces deux-là n’appartiennent pas au même monde.
Lui, c’est un ancien prof de gym qui poursuit en taule son entraînement intensif. Lui c’est un berger, gardien de son troupeau de chèvres dont s’occupe aujourd’hui son fils Giovanni-Batista. Lui, c’est un Nationaliste, qui revendique son engagement. Mais il est devenu au fil des temps, prétend-il, un Nationaliste pour lequel la violence ne serait plus forcément la bonne réponse. Sinon, son discours de fond ne change pas d’un iota. C’est le discours des revendications lues contre son gré par Didier Wacogne, le Président de la Cour d’Assises chargée de juger l’homme dans son box.
Il faut juger quoi ? Des faits que ne reconnaît pas Colonna, bien au contraire, il ne cesse de proclamer son innocence. Dans des propos toujours identiques, toujours calmes, toujours solides. On a envie de le croire.
L’homme enfermé dans son box semble sincère, totalement sincère. Ni la justice ni ses adversaires, ni même certains de ses amis ne sont tentés de le croire. Lui, il est convaincu de sa sincérité. Et rien ne vient troubler cette certitude. Une certitude radicale.
Elle est à l’opposé non moins absolu.
Elle, c’est Dominique Erignac, La Victime. Elle est la figure centrale du groupe massif de l’accusation. Les avocats des parties civiles qui se comportent en procureurs forts de leur vertu et de leur cause juste. Les procureurs enveloppés dans leurs robes rouges bordées d’hermine. Les victimes, les avocats, les procureurs : les vociférateurs.
Elle, elle est « La Veuve » du préfet assassiné. La veuve qui a été profondément amoureuse d’un sous préfet croisé dans un cocktail, haut fonctionnaire en devenir rencontré à l’aube de ses années de femme. Elle était la fille d’un industriel du Nord, catholique. Lui était un homme des montagnes de Lozère, un protestant, un parpaillot rigide, un franc-maçon actif qui entendait transcrire dans sa vie de Serviteur de l’Etat ses principes philosophiques : Liberté, égalité, fraternité. Par leurs origines sociales, les deux personnages formaient déjà un couple improbable, mais qui a parfaitement fonctionné, semble-t-il. Car cet homme et cette femme étaient eux aussi sincères, engagés dans leur combat pour la morale publique. Deux enfants, une fille et un garçon, qui, aujourd’hui ne la quittent pas
Elle est fragile, presque anorexique. Sa chevelure argentée coiffée avec soin. Inquiète, angoissée.
Une journaliste du Pèlerin, France Lebreton, la décrit ainsi :
« Pour elle, le temps s’est arrêté. [Chez elle] elle reste des heures assise, les yeux dans le vague, absente à elle-même. Un matin, son fils lui lance : « Maman, il faut faire des petites choses chaque jour. » La phrase résonne comme un déclic. Dès lors, Dominique s’efforce de retrouver les gestes du quotidien : ranger le studio, faire les courses. Elle s’aventure dans un supermarché, puis dans un grand magasin, pour acheter un produit de beauté. Un inconnu l’aborde, lui témoigne de sa compassion. Dominique se sent coupable de ce « décalage » entre la futilité de son achat et la mort de son mari. »
Tous les jours du procès, elle vient s’asseoir sur son banc inconfortable. Elle prend des notes à perdre haleine. Quels souvenirs tente-t-elle de retenir ? Parfois, quand le propos d’un des hommes qui comparaissent l’agace, elle pousse un soupir, ou elle murmure, “quel intérêt ?”
Avant le procès qui se déroule aujourd’hui devant la Cour d’Assises, elle confie à un journaliste,Michel Deléan du Journal du Dimanche
« Tout cela est une vraie souffrance. Ça représente onze ans d’une vie. Je dois une grande partie de ce temps à Yvan Colonna, qui est parti quatre ans en cavale, et qui a ensuite refusé de répondre aux questions des juges d’instruction pendant dix-huit mois. Alors, ce nouveau procès, ça revient quand même à tout remettre en question. Je suis un peu angoissée, peut-être moins que les deux dernières fois, mais en même temps je fais confiance à la justice. Ce qui est difficile, sur la durée, c’est qu’on commence à reprendre une vie normale, et puis on est encore replongés dans cette histoire. C’est la chose principale dans notre vie. On vit beaucoup à travers ça. Même quand on veut un peu s’en détacher, on est toujours rattrapé.
Dominique Erignac est habitée par une obsession : obtenir des aveux complets de l’homme qui est en face d’elle, dans sa cage de verre, elle croit qu’Yvan Colonna doit avoir le courage d’avouer qu’il est l’assassin de son mari. Peu soucieuse de la présomption d’innocence, elle l’a dit, proclamé. L’épouse amoureuse d’un homme assassiné peut-elle raisonner en termes de présomption d’innocence ? Elle aussi est habitée par cette certitude : elle ne pourra commencer son deuil que lorsque l’homme de Carghese aura parlé.
Alors, que pense-t-elle quand elle entend Pierre Alessandri soutenir que le tueur, c’est lui ? Comme tous les autres membres du groupe poursuivi pour l’assassinat du préfet, et qui ont reconnu leur participation, Alessandri est ravagé par le sentiment de culpabilité. Tout en réaffirmant ses convictions nationalistes, son choix de la violence nécessaire.
Maître Philippe Lemaire parle à la place de Dominique Erignac :
« Vous nous prenez pour des débiles ou quoi ? »
Deux mondes rigoureusement étrangers l’un à l’autre s’affrontent. Il est probable qu’ils ne pourront jamais se rencontrer. D’ailleurs, les Français peuvent-ils comprendre les Corses ? Les Corses peuvent-ils comprendre les Français ?
Sources Le Pèlerin, France Lebreton, 26 novembre 2007, et le Le Journal du Dimanche Michel Deléan 10 novembre 2007 7 février 2009-
Cette entrée a été publiée le 18UTCp31UTC03bTue, 10 Mar 2009 12:48:18 +0000UTC 9,2008 à 9:48 p03 et est en lien avec Justice, Reportages. Vous pouvez suivre toutes les réponses à cet article à l'aide du flux RSS 2.0. Vous pouvez laisser une réponse, ou un trackback depuis votre site.

2 Réponses vers «Colonna, Erignac, deux logiques incompatibles»

Bonjour,
Je trouve bizzare que vous demandiez si les Corses peuvent comprendre les Français ou les Français les Corses.
Jusqu’à preuve du contraire les Corses sont Français. Votre question est un problème que la sociologie qualifie d’ethnocentrisme. Chacun analyse avec ses filtres sans essayer de se mettre à la place de l’autre. D’ou une incompréhension mutuelle.
Il aurait été plus juste de parler de Corses et de Métropolitains.
Pour revenir à l’affaire Erignac, je trouve que madame Erignac n’est pas aussi digne que ça dans cette affaire. Je compati pleinement à sa douleur, elle n’a rien demandé et sa vie s’est soudainement atrocement modifiée. Toutefois, lorsqu’elle parle des Corses en généralisant, je ne la trouve pas digne. Ce ne sont pas “les” Corses qui ont abbatu son mari mais “des” Corses. Les membres du commando et leurs commanditaires n’avaient pas reçu l’aval de la population, ni même une quelconque mission pour commetre cet acte odieux.
Je ne la trouve pas digne non plus lorsqu’elle fait certaines déclarations à la presse. Je n’ai pas l’impresion qu’elle cherche la vérité mais la condamnation d’un homme à tout prix. En ce sens, et bien que son statut de victime puisse permettre de comprendre certaines choses, je ne la trouve pas digne. La réaction de Maitre Lemaire (son avocat) à l’égard de joseph Colombani, témoin cité par la partie civile qui ne reconnait pas Yvan Colonna, lorsqu’il reproche sans vergogne “Mais vous vous rendez compte de ce que vous avez fait ?”.. va dans la droite ligne de la démonstration de volonté de culpabilité d’Yvan Colonna.
Naturellement, ma formulation était une forme de plaisanterie, douteuse, j’en conviens. Naturellement les Corses sont Français de droit. Ma formule vise surtout à identifier les personnes de culture et de civilisation corse, et les rapports difficiles avec les Continentaux. Pour Mme Erignac, je suis largement d’accord avec votre propos.



Justice, Colonna : le procès devrait être terminé

By phmadelin
 Après les aveux du tireur, le procès devrait être terminé.
« Nous nous sommes disposés dans la rue Colonna d’Ornano en face du théâtre Kalysté. J’étais avec Alain Ferrandi, nous étions postés au carrefour de la rue Colonna d’Ornano et de la rue Campiglia. Quand  nous avons vu le préfet déposer son épouse devant le théâtre, nous avons pensé qu’il n’assisterait pas au concert. Nous avons donc quitté les lieux, nous descendions la rue Colonna d’Ornano quand nous avons croisé le préfet. Je me suis retourné, j’ai tiré dans sa nuque. Difficile d’expliquer l’état psychologique dans de telles circonstances. »
C’était hier, lundi 9 mars, au procès d’Yvan Colonna, devant la Cour d’Assises de Paris.
A petits mots précis, d’une voix nette à peine teintée d’accent, Pierre Alessandri raconte comment il a lui-même tué le préfet Erignac. Endossant donc toute la responsabilité. Pour faire bonne mesure il ajoute qu’il a éjecté du pistolet Beretta les dernières cartouches non percutées, pour qu’on ne puisse pas se servir de l’arme qu’il a posée sur le sol.
Alessandri a déjà revendiqué à plusieurs reprises d’avoir été le « tireur » lors de l’assassinat du préfet. La clarté de son propos qui tranche sur le flou qui a prévalu jusqu’alors aurait dû le rendre totalement crédible. Et, dans une large mesure, mettre un terme au procès puisqu’en développant ce récit celui qui se revendique comme l’assassin semble totalement disculper Yvan Colonna.
En bonne administration de la justice, dans n’importe quel pays démocratique, puisqu’on tient le coupable et ses « complices », puisque les motivations et les circonstances  sont clairement définies, le procès devrait s’arrêter là.
Or il n’en est pas question. Alessandri convaincant ? Non. C’est son dixième récit « évolutif » pour rendre compte des faits, observe Me Philippe Lemaire, l’avocat de Dominique Erignac, alors qu’ ont tous été corroborés ses « aveux » les plus anciens, ajoute l’avocat.
Et, surtout, Colonna est totalement absent de ce récit. Il n’était pas dans notre groupe, ne cesse de répéter Alessandri, sans jamais se contredire.
Est-il absolument indispensable de déclarer Yvan Colonna coupable, comme le réclament Dominique Erignac, la femme du préfet assassiné, et Nicolas Sarkozy, le Président de la République ?
Sans doute. Sans aucun doute. Alessandri est un trop petit bonhomme, un villageois, un distillateur de parfum, pour donner un bon coupable.
Alors que Colonna peut fournir à l’accusation une plus belle figure de coupable. D’abord comme fils d’un député socialiste, ancien conseiller du ministre de l’Intérieur Chevénement pour les affaires corses. Comme dissident de la cause nationaliste par rapport à ses anciens compagnons, puisque  Colonna soutient s’être retiré du combat nationaliste violent.
Donc le procès continue. On écarte les témoignages qui ne vont pas dans le bon sens. On en doute, même On oublie les pistes inexplorées. Pour nourrir l’accusation, on efface même du débat les éléments relevés à l’audience. Notamment la présence sur la scène de crime de nombreux autres protagonistes.
Pour autant, hormis les aveux en garde-à-vue recueillis dans d’étranges circonstances, non compris Yvan Colonna qui proclame toujours son innocence ; hormis les éléments des instructions actés par les juges Bruguière, Thiel et LeVert, toujours par la moindre preuve. Alessandri, l’assassin a tout avoué, donc le procès peut continuer.


Justice, Colonna : des aveux extorqués ?

By phmadelin

Les aveux des membres du groupe impliqué dans l’assassinat du préfet Erignac ont-ils été obtenus sous la contrainte du chantage et de la torture ? Impossible ont répondu en cœur tous les policiers appelés à témoigner dans ce procès Yvan Colonna, qui se déroule à la Cour d’Assises de Paris depuis le 9 février.
La question se pose avec d’autant plus d’acuité que trois des témoins considérés comme fondamentaux par l’accusation, tous membres du groupe tenu pour responsable du meurtre du préfet, non seulement sont revenus sur leur mise en cause d’Yvan Colonna, lors du précédent procès, mais encore ont clairement affirmé qu’ils n’ont parlé que sous la contrainte des policiers. Le premier à soulever le problème dans des termes clairs a été Joseph Versini, condamné pour l’attaque de la gendarmerie de Pietrosella, aujourd’hui en liberté conditionnelle. Didier Maranelli et Alain Ferrandi se sont engouffrés dans la même voie, dans la mise en cause des méthodes policières.
On pourrait imaginer qu’il s’agit d’une tentative pour déstabiliser l’accusation. Le procureur Kross s’interroge d’ailleurs sur la réalité des pressions. Or, de façon assez étonnante, c’est le procureur général adjoint Christophe Tessier qui met le doigt sur cette « particularité » de l’enquête, sans y prendre garde bien sûr.
Alors que cherchant à vérifier les termes d’une déposition recueillie par le commandant Georges Lebbos pendant la garde-à-vue de Didier Maranelli, le 23 mai 1999 à 6 heures du matin, le magistrat presse de questions le témoin, celui-ci se défend comme un beau diable.
Le procureur est  à la fois sceptique et intrigué. Je reconstitue le dialogue à partir de mes notes, p 439 et 443 du cahier d’audience 5 :
- Je lis la procédure le récit de votre garde à vue. A 10 heures du soir, vous ne parlez pas. A 1 heures du matin non plus. Et, tout à coup, à 6 heures, vous vous exprimez clairement sur Colonna. Pourquoi ? Et pourquoi avoir accepté de citer le nom d’Yvan Colonna ?
-    J’avais peur pour ma compagne, je craignais qu’elle soit elle aussi poursuivie comme complice, puisqu’elle m’avait fourni un alibi. C’était la prison pour elle, les enfants qu’on nous retirerait. Les policiers étaient très clairs. « On ne la sortira du dossier que si je fournissais certains éléments ». Ils m’ont ordonné d’ajouter le nom de Colonna dans le dispositif du meurtre du préfet, en position X2. J’ai parlé pour la protéger. Et j’étais épuisé. J’ai demandé à me reposer. Mais je n’ai pas eu de repos.
-    Aucun repos ? Le PV mentionne un repos, insiste le procureur Tessier.
-    Non, pas de temps de repos, rétorque Maranelli.
Donc à la pression psychologique s’est superposée la pression physique. La privation de sommeil, est aujourd’hui considérée comme une des principales formes de torture. Le problème est que le procureur Tessier ne peut nier le fait : les heures des dépositions sont consignées dans les procès verbaux. De garde-à-vue. C’est même un des rares points concrets dans toute cette affaire. Les policiers ont nié à répétition avoir exercé des pressions sur les gardés-à-vue.
Dans ces conditions, que valent les « aveux » recueillis?
Sur cette question de la privation de sommeil la littérature est abondante. Elle est considérée comme une des formes les plus cruelles de torture par la Croix Rouge, Amnesty International et par tous les organismes internationaux de droits de l’homme et légaux, y compris la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants,
A propos de la privation de sommeil, voir en particulier un article publié par Jean-Louis Valatx qui explique :
« La privation du sommeil est un des moyens utilisés pour torturer les prisonniers. Elle fut utilisée par les Romains et l’lnquisition tout aussi efficacement qu’à l’époque contemporaine . Elle est toujours d’actualité dans de très nombreux pays, non seulement dans les pays dits “dictatoriaux” mais aussi dans les pays dits “démocratiques” (par exemple au cours de la simple garde à vue). » A lire Jean-Louis Valatx Dans « Médecine et Hygiène »,1988
http://ura1195-6.univ-lyon1.fr/articles/valatx/mh_88/print.html
« La privation de sommeil, comme l’a déjà expliqué le Rapporteur de l’ONU sur la torture Theo Van Boven, est de la torture qui contrevient clairement à la législation internationale.
Dans un rapport rendu public il y a quelques années, M. Van Boven expliquait que « ces méthodes consistent notamment à maintenir les détenus dans des positions douloureuses ou pénibles, à les priver de sommeil et de lumière pendant des longues périodes, à les exposer à des extrêmes de chaleur, de froid, de bruit et de lumière, à leur recouvrir la tête d’une cagoule, à les priver de vêtements, à les dénuder et à les menacer avec des chiens » explique le rapport.
Sur Theo Van Boven :
http://www.morphee.biz/article-21188656-6.html
Un procès « oral »
Cette évocation insistante des « pressions policières » pèse encore plus lourd que les précédentes incertitudes quant au déroulement du procès.
Un procès « oral et contradictoire », ne cesse de répéter le Président Didier Wacogne. Un procès où les témoins et les témoignages risquent d’être décisifs. Or l’oralité des débats est pour le moins sujette à caution. Les policiers aprenent par coeur. Du côté de l’accusation, on ne cesse d’avoir recours à des textes écrits. Des textes qu’on ne saurait contester.
Un policier qui récite des Procès-verbaux est-il un bon témoin ? Certainement, estime l’accusation. Bonne question dans un débat où les témoignages prennent une place fondamentale, faute d’autre moyen de preuve certaine.
Le témoignage d’un policier est d’autant plus facilité qu’il se fonde sur des procès verbaux établis et rédigés par… lui-même. Hors de tout témoin pour attester de leur bonne foi, puisque les avocats ne peuvent assister aux gardes-à-vues, dont l’objectif avéré est de recueillir des aveux. Les policiers peuvent raconter ce qu’ils veulent puisque personne n’est là pour les contredire, même pas la personne interrogée dans la mesure où personne (au tribunal) ne peut la croire : il a été condamné. Point barre.
C’est ainsi que nous avons entendus des policiers réciter pendant des heures le texte de leur intervention. Avec des talents de comédien certains. Le contrôleur général Frédéric Veaux, par exemple. L’ancien patron de la PJ en Corse, puis de la DNA,  a gagné ses galons en menant la chasse à Colonna : durant deux heures d’horloge pendant le procès, il a recommencé l’histoire de la Corse, du mouvement nationaliste, il a « reconstitué » l’itinéraire d’Yvan Colonna, passé selon lui du militantisme au crime. Un flot de parole sans réplique, même si chacun des points soulevés devrait attirer des vérifications, des contradictions. Veaux ne témoigne pas : il requière. On est si abasourdi qu’on n’entend pas les « j’estime », les « je crois », les « il en ressort » et autres formules qui devraient nous permettre de comprendre que le contrôleur Veaux a reconstruit l’histoire comme elle l’arrange.
Par exemple, quand on lui demande son opinion à propos du commandant Lebbos, son collaborateur le plus proche, l’homme qui a rédigé 80 % des procédures, Veaux écarte d’un geste les soupçons : le commandant Lebbos a été poursuivi pour des détournements de procédure, pour un vol à l’étalage. « Aucun rapport avec les procédures qui lui étaient confiées ».
Même observation pour le commissaire Philippe Frizon, qui juge que les interrogatoires se sont déroulés dans des conditions plus correctes. Détendues, même ! Il est péremptoire, affirmatif, il ne viendrait plus à l’idée de personne de lui demander de répéter ce dont il a déjà convenu : que le nom de Colonna, Yvan, pourrait bien avoir pris la place du nom de Colonna, Jean-Jé, un maître du milieu décédé il y a quelques années dans un accident de voiture. Frizon a raison, puisqu’il est commissaire de police. Son témoignage est béton lorsqu’il soutient que Maranelli, Ferrandi et Alessandri ont balancé le nom de Colonna pendant les gardes à vue. Et pourquoi sa mémoire serait-elle aussi certaine ? Parce qu’il est policier, évidemment.
A l’inverse, les autres cafouillent, parce qu’ils ne sont pas formés au “kriegspiel”. Quand quatre témoins affirment que contrairement aux assertions de l’accusation et des enquêtes de police, il n’y avait que deux hommes sur la scène du crime, le Président de la Cour d’Assises devient suspicieux, il multiplie les questions qu’il oublie de poser aux policiers. Et de suggérer : « Les années ont passé, les souvenirs s’estompent ». Ces quatre témoins pourraient bien se tromper, puisque dix ans ont passé. Les témoins qui viennent au secours de la Défense seraient-ils moins fiables que ceux qui appuient les thèses de l’accusation ?
Curieuse conception de l’équilibre qui devrait présider au débat judiciaire. Deux poids, deux mesures.
Pour ne rien arranger, les « aveux » - témoignages – de Joseph Colombani, Didier Maranelli, Alain Ferrandi ( tous trois condamnés, dont les deux derniers à “perpet”) sont récusés par leurs auteurs, qui accusent les policiers de la DNAT de les leur avoir dictés. Les « femmes » de ces témoins considérés comme à charge ont également récusé leurs propres mises en cause.
Difficile de se reconnaître dans cet embrouillamini. Or, du strict point de vue de la procédure les témoignages doivent contribuer à forger la conviction des magistrats, et des magistrats jurés, chargés de juger. Les témoignages n’ont pas besoin d’avoir la qualité d’une preuve, il n’est pas exigé de la Cour d’Assises qu’elle motive ses jugements. On répond par oui ou non aux innombrables questions élaborées par le Président. Coupable, ou pas ? Telle est la seule alternative. Alors que peut devenir cette intime conviction si le socle des témoignages se dérobe ?
Cette entrée a été publiée le 16UTCp31UTC03bSat, 07 Mar 2009 16:27:16 +0000UTC 9,2008 à 9:48 p03 et est en lien avec Justice. Vous pouvez suivre toutes les réponses à cet article à l'aide du flux RSS 2.0. Vous pouvez laisser une réponse, ou un trackback depuis votre site.

2 Réponses vers «Justice, Colonna : des aveux extorqués ?»

Bonjour,
Concernant les personnes du commando auditionnées :
Ce n’est pas joseph “Colombani” mais Joseph “Versini”.
Bonne continuation
Exact, je me suis emmélé les pinceaux. Pourtant, je l’ai vu une matinée entière !

Justice, Colonna, confrères

By phmadelin

Jean-Michel Apathie, RTL
Un journaliste qui a de la gueule, quant il écrit à propos du procès Colonna :
La justice ne peut s’administrer que dans la sérénité et la certitude. Si un procès fait apparaître la culpabilité de quelqu’un, alors il doit payer sa faute, son crime en l’occurrence. Si en revanche, le procès ne permet pas de conclure, de lever le doute ou les doutes, alors il n’est pas possible d’accepter qu’un individu soit enfermé à vie sans que la société soit certaine de sa culpabilité.
Pour finir, la question n’est pas de savoir si Yvan Colonna est innocent. La question, autrement plus exigeante, est celle ci: Yvan Colonna est-il coupable? Pour l’instant, disons que la réponse n’apparaît pas comme une évidence.
Une qui a moins de gueule, Patricia Tourancheau, chronique judiciaire et police de Libération. Elle, elle se contente de reprendre presque mot à mot la thèse non pas de l’accusation, mais de la police. C’est une journaliste à charge, en quelque sorte. Où est l’esprit de mansuétude qui nous est généralement demandé ? Je connais Tourancheau depuis longtemps, depuis qu’elle est montée à Paris, venant de la rédaction de Libé Lyon. Là, elle m’en bouche un coin. Son vocabulaire est celui des policiers, et même des policiers les moins évolués. “Berger de Cargèse, commando, pages noircies d’aveux”, toute la logomachie y passe. Elle écrit, mais c’est à se demander si elle écoute, puisqu’elle suit les débats. Je l’ai vue !
Une fois le berger de Cargèse arrêté le 4 juillet 2003 durant le procès des six membres du commando, Alessandri qui a été condamné à perpétuité pour l’assassinat (et non pour complicité) endossera la paternité de l’exécution du préfet le 13 octobre 2003. Il n’a plus rien, à perdre. S’il n’a pas fait cet aveu devant la cour d’assises de Paris, dit-il, c’est «en raison de la tournure prise par ce procès, tronqué». Depuis, ces auto-accusations et rétractations en série ont du mal à gommer les dizaines de pages du dossier noircies d’aveux.

Justice, Colonna : de la séparation des pouvoirs

By phmadelin

De toutes parts, on me pose la question : puisque tu suis de près ce procès Colonna, peux-tu dire qui a été le tireur ? Même le procureur Kross m’a interpellé à ce sujet. Eh bien, je vais vous répondre en toute franchise : “en l’état”, selon la formule du Président Wacogne, je n’en ai aucune idée. Tout ce que je peux avancer, si j’en crois les témoins visuels, est que le tireur mesurait plus de 1 m 75, alors que Colonna est plutôt petit, pas plus de 1 m 70. C’est à la fois une réponse et pas une réponse, je sais, mais c’est comme ça.
En revanche, je suis tout à fait “surpris”, sinon choqué, par le déroulement du procès, par le pendant manifeste du Président contre Colonna. Ce qui me choque encore plus, c’est la prise de position du Procureur général Laurent Le Mesle, qui dans une interview radio (RTL) s’est permis de porter secours à Didier Wacogne, dont le moins qu’on puisse dire est qu’il est durement secoué par la Défense.
L’argument de Le Mesle : il faut que “la justice passe dans la sérénité”.
Rappelons que Laurent Le Mesle a été destinatire en tant que Procureur général de Paris du courrier adressé à la Cour par le commissaire Didier Vinolas, un courrier que le Pdt Wacogne a “oublié” de transmettre à la Défense en temps utiles.
Je croyait avoir appris pendant mes études de droit qu’un principe intangible et inébranlable régissait le fonctionnement de la Justice. A savoir la stricte séparation des pouvoirs entre la Cour et le Parquet. En vertu de la “rupture”, ce principe serait-il désormais obsolète ? Tout comme la présomption d’innocence ?
J’ai tort de me gendarmer encore. N’ais-je pas écrit dans le temps un livre intitulé “Dossier J… comme Justice, ou la Justice du plus fort” (Editions Alain Moreau) où avec le substitut Jean-Pierre Michel nous dénoncions le poids insupportable de l’institution politique sur la Justice ?
Apparemment, ce temps est passé. En dehors de mes lecteurs, mon blog et rue89, les représantants de l’establishment ne simule même pas l’intérêt pour les aspects “droits de l’homme” de ce procès. Il est vrai que le prévenu est un petit Corse. Tant pis il n’a qu’à ne pas être Corse.
Je vous précise que le temps venu je publierai les noms des éditeurs qui ont rejeté mon projet. Pourquoi se gêner ?
Quant à mon bouquin, il est épuisé depuis longtemps. J’ai donné mon dernier exemplaiore personnel à Me Soulez Larivière. Mais vous pouvez toujours tenter votre chance sur un site internet consacré aux livres épuisés ou d’occasion.
Mots-clefs : Colonna, Corse, Justice, polémique

Colonna : du café théâtre au tribunal
On repasse le plat pendant cette instance d’appel. Tandis que Colonna ne cesse de proclamer son innocence, la Défense multiplie les mises en cause directe des enquêteurs et de la Cour d’Assises. Chargés de condamner - sur une décision prise d’avance, proclament le prévenu et la défense - les magistrats se retrouvent en position d’accusés.
Le Président Wacogne leur ouvre un boulevard par ses maladresses.
Première étape : un commissaire de police, Didier Vinolas, ancien collaborateur direct du préfet Erignac, est cité par l’accusation pour charger le dossier. Mais, stupéfaction, Vinolas soutient que selon un informateur, deux hommes ayant participé aux faits seraient dans la nature, jamais poursuivis. L’erreur du Président est d’avoir “oublié” d’informer la Défense que Vinolas lui avait écrit pour l’informer au préalable.
Deuxième reproche : le Président a tout tenté pour éviter que les deux noms cités par Vinolas soient réintégrés en procédure. Il y a bien eu “supplément d’information”, mais la Cour a estimé que le commissaire Vinolas n’apportait pas d’élément nouveau, donc qu’il était inutile d’enquêter sur les faits cités ! Donc, rejet d’une nouvelle demande de complément d’information.
Troisième étape : on en était là quand une nouvelle mise en cause a été soulevée. Un autre témoin, le Cdt Georges Lebbos, policier de la DNAT ( Direction nationale anti-terroriste) qui a effectué 80 % des actes de procédure dans les enquêtes conduits pour mettre en cause Yvan Colonna, est cité par l’accuasation.
Sa déposition apparaît à la Défense comme fondamentale pour éclairer la manière dont le nom d’Yvan Colonna a été introduit dans le dossier. Lebbos apparaît le 9 février, à l’ouverture du procès, dans la liste des témoins qui doivent déposer. Une déposition d’autant plus fondamentale qu’un document antidaté par Lebbos a conduit à l’acquittement de deux des supposés complices de Colonna, Jean Castela et Vincent Andriuzzi.
Or le 27 février, le Pdt Wacogne dévoile soudain que le Cdt Lebbos lui a adressé dès le 9 février un certificat médical indiquant que son “état de santé dépressif” ne lui permettrait pas de déposer devant la Cour. C’est son droit, même si une expertise médicale doit confirmer cet état de santé.
Mais la Défense s’est gendarmée contre le fait que le certificat médical était connu du Président dès le 9 février, et qu’il n’en a mentionné l’existence que le 27. Nouvelle tentative pour truquer le procès, on évite d’interroger les acteurs les plus fondamentaux (Voir le billet d’hier : “La colère d’un avocat”).
D’autant que les avocats de la défense observent que le Président Wacogne interroge très longuement et avec une suspicion manifeste tout témoin qui apporte des éléments à décharge en faveur de Colonna, pour ne pas dire qu’il s’acharne ; que l’Accusation et les Parties civiles tentent de tourner en dérision les témoins qui apportent de l’eau au moulin de la Défense. Ainsi des témoins Joseph Colombani, partenaire politique fondamental du préfet Erignac, et de Marie-Ange Contart, témoin visuel du meurtre

« .. Le climat ne s’arrange donc pas. Avec une bonhommie au moins affichée, le Président Didier Wacogne se lance dans de  discussions longues et incongrues avec Colonna. Quant aux observateurs, ils sont convaincus que les jeux sont faits. Tout aurait été décidé d’avance, à commencer par la nouvelle condamnation de Colonna. »



Stéphane Durand-Souffland (Chroniqueur judiciaire du figaro)

Colonna : questions sur un procès hors normes

S. D.-S.
Pourquoi le procès se poursuit-il ? Cette situation exceptionnelle s'est déjà présentée lors du procès Ferrara. L'avocat général Christophe Teissier a rappelé jeudi que tant la jurisprudence de la Cour de cassation que celle de la Cour européenne des droits de l'homme autorisaient la poursuite des débats, dès lors que le départ des protagonistes n'était pas du fait de la cour d'assises ou du ministère public.
Quelle sera la valeur du verdict ? L'arrêt qui sera rendu par cette cour d'assises spécialement composée sera, quel qu'il soit, l'objet d'une bruyante controverse. La condamnation de Colonna à la réclusion criminelle à perpétuité étant, dans le contexte actuel, plus probable que son acquittement, les partisans du berger de Cargèse ne manqueront pas de critiquer les neuf magistrats professionnels pour leur supposée «partialité». Les incidents qui ont émaillé les débats sont trop graves pour permettre que le verdict soit prononcé dans la sérénité - et, pour tout dire, audible.
Que va-t-il se passer après le procès ? C'est la seule question qui vaille. Même si la cour, en décidant de poursuivre les débats, veut donner l'impression que la justice va passer normalement, il est évident que ses travaux ont largement perdu de leur crédibilité. Les avocats récusés ont déjà engagé un nouveau combat, en direction de l'opinion publique : ils annoncent la publication imminente d'un livre blanc, compilation des éléments qu'ils ont mis au jour pour proclamer l'«innocence» de leur client. Sur un plan juridique, le verdict fera l'objet d'un pourvoi en cassation : un troisième procès n'est donc, sur le papier, pas à exclure. En cas de rejet du pourvoi, la défense saisira la Cour européenne des droits de l'homme, arguant que l'instruction a été menée de son point de vue exclusivement à charge, et que les débats ont été déloyaux. Risque également de se poser le problème du «délai raisonnable» tel que défini par l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme : mis en cause en mai 1999, Yvan Colonna n'a été arrêté que le 4 juillet 2003, du fait de sa cavale. Il est privé de liberté depuis ce jour.
Faut-il changer la législation ? Comme souvent en France, la loi des petits nombres semble déterminer la loi tout court, comme en témoigne la suppression annoncée du juge d'instruction. L'institution judiciaire ayant échoué à conduire normalement les procès Ferrara et Colonna, elle en déduit, posant comme principe sa propre infaillibilité, que le système est mauvais - bien qu'il fonctionne dans la majorité des cas. Cependant, l'idée de mettre en place une procédure dans laquelle le président serait un arbitre d'autant plus impartial qu'il ne participerait pas au délibéré, veillant à l'égalité des armes entre les parties, présente des aspects séduisants. À condition - et Me Lemaire a, jeudi, clairement vu le danger -, de sauvegarder absolument les prérogatives de la défense.



Pourquoi Yvan Colonna a quitté son procès
Stéphane Durand-Souffland (Chroniqueur judiciaire du figaro)
12/03/2009 | Mise à jour : 20:42

«Quoi que je dise, quoi que je fasse, tout est balayé d'un revers de manche. Je ne veux plus continuer comme ça. Je quittece procès, je m'en vais, je récuse mes avocats»,a déclaré mercredi Yvan Colonna (ici, quittant la salle). Crédits photo : AFP
La cour d'assises de Paris a décidé, mercredi, de juger des planches, un banc et une vitre de verre blindé. Car Yvan Colonna, après avoir récusé ses cinq avocats, a quitté son propre procès, qui se poursuit sans lui. «Je suis choquée par son manque de courage, réagira Dominique Érignac, la veuve du préfet assassiné. Nous sommes confrontés une nouvelle fois à sa fuite. Je me demande si cela n'était pas décidé dès le premier jour.»
C'est bel et bien le berger de Cargèse qui, peu après 15 heures, a donné le signal du clash définitif. Le président Didier Wacogne vient d'annoncer qu'une deuxième demande de reconstitution est rejetée. L'accusé se lève : «Je n'accepte pas cette décision. Pour moi, la reconstitution est importantissime. Vous ne voulez pas la faire parce qu'elle invalide le scénario initial de Pierre Alessandri (membre du commando condamné à perpétuité en 2003, NDLR). Quoi que je dise, quoi que je fasse, tout est balayé d'un revers de manche. Je ne veux plus continuer comme ça. Je quitte ce procès, je m'en vais, je récuse mes avocats. Je redescends dans la souricière où il fait bon vivre, hein, madame (il darde un regard furieux sur une assesseuse, NDLR), où ça sent la pisse. Si vous voulez me condamner au nom de la raison d'État, faites-le, mais sans moi. Je suis innocent, et vous le savez.»
Des applaudissements éclatent dans la salle. Le président, blême, s'adresse à Mes Garbarini, Sollacaro, Simeoni et Maisonneuve (leur confrère Dehapiot est absent) : «Je vais vous commettre d'office.»
Me Maisonneuve : «Je ne serai pas un avocat potiche, je n'ai pas l'intention de trahir la mission qui m'a été assignée. Je ne suis plus l'avocat d'Yvan Colonna.
- La cour refuse vos excuses.
- Je n'en ai pas présenté !»
Tout le naufrage du procès tient en cet échange, qui résume l'histoire d'un dialogue impossible. Dès le deuxième jour des débats, qui se sont ouverts le 9 février, Yvan Colonna adopte une attitude intraitable. Il «interdit» à ses proches de venir témoigner. Il affirme d'emblée que son procès est politique, et que, comme Nicolas Sarkozy, alors ministre de l'Intérieur, l'avait qualifié d'«assassin» du préfet Érignac, sa condamnation est dictée à la cour.
Le 16 février, il franchit un pas supplémentaire en s'en prenant au président Wacogne : «J'affirme que vous êtes en mission pour me faire condamner au nom de la raison d'État, alors que je suis innocent. (…) La cerise sur le gâteau, c'est votre déloyauté au sujet de la lettre de Didier Vinolas. Un jour, c'est vous qui devrez répondre à certaines questions !» À cette charge déchaînée, ni le président ni les avocats généraux ne répondent. Dès lors, il n'y a plus d'autorité face au box.
D'autant que l'«affaire Vinolas», à laquelle Yvan Colonna vient de faire allusion, agit comme un lent poison qui, peu à peu, va détraquer la machine judiciaire. Peu importe, en définitive, le contenu des «révélations» de ce témoin, ancien proche collaborateur de Claude Érignac à la préfecture de la Région Corse. Ce qui heurte, c'est que les courriers qu'il a adressés au parquet général (29 décembre 2008), puis au président (28 janvier 2009), aient été dissimulés aux parties. Et comme une boulette ne vient jamais seule, la défense découvre le 24 février qu'un témoin capital, enquêteur omniprésent - et controversé - dans la procédure, a envoyé le 6 février un certificat médical pour justifier son absence à la barre. Non seulement le président ne l'en avait pas informée, mais il semble s'échiner à dissimuler la nature du mal qui ronge ce témoin. On apprend plus tard qu'il serait de nature psychologique…
À partir de cet instant, la rupture est consommée. Les accrochages se multiplient. Mme Érignac, dit-on, aurait songé, écœurée, à ne plus assister à l'audience. Chacun sait que le procès ne pourra pas aller normalement à son terme. Que le verdict, quel qu'il puisse être, sera entaché de soupçon. Mais comment arrêter le processus ? L'institution judiciaire ne peut le décider d'elle-même, au risque de perdre la face. Mais si c'est la défense qui claque la porte, la situation est tout autre...
Les bourdes de la cour
Contrairement à ce que martèlent les avocats d'Yvan Colonna, ils n'ont pas démontré l'innocence de leur client. Mais ils ont instillé un doute sérieux sur le scénario élevé au rang de dogme par l'instruction : le «groupe des anonymes», qui a ourdi l'attaque de la gendarmerie de Pietrosella puis l'assassinat du préfet Érignac, était composé de sept hommes. Dans les deux cas, Yvan Colonna était présent. Le tireur d'Ajaccio, aucun doute, c'est lui. Ses complices ont été trahis par leurs téléphones portables, qui ont permis d'établir leur présence sur les lieux et de démolir leurs alibis. Placés en garde à vue le 21 mai 1999, ils ont dénoncé Yvan Colonna avec un grand luxe de détails, avant de se rétracter vingt-deux mois plus tard, de manière peu convaincante.
Mais la défense, qui sait déjà que les témoignages oculaires lui sont tous propices et qu'il n'existe aucun élément scientifique contre l'accusé, a repris l'énorme dossier ligne à ligne. Elle affirme à présent que les «Anonymes» étaient bien plus nombreux, ce que valident les condamnés de 2003, sans toutefois révéler leur nombre réel. Elle établit l'existence d'écoutes téléphoniques, de septembre 1998 à mai 1999, qui ont été délibérément écartées de la procédure, «parce qu'elles innocentent Yvan Colonna», tempête Me Gilles Simeoni. Surtout, cet avocat analyse la téléphonie et établit que, selon lui, Didier Maranelli et Alain Ferrandi ne se trouvaient pas là où ils auraient dû être au soir du 6 février 1998. Il faut être objectif : plus de sept conspirateurs, soit ; des écoutes défavorables à l'accusation, d'accord ; des mensonges de mis en cause pendant les gardes à vue, plausible. Mais cela exonère-t-il M. Colonna de manière irréfragable ? Cette question fondamentale a été éclipsée par les bourdes de la cour. Comme la nature a horreur du vide, ces assises donnent sans cesse l'impression d'avoir horreur du doute. La démonstration de Me Simeoni sur les portables n'a, par exemple, donné lieu à aucune riposte du ministère public. De même, les déclarations troublantes, et totalement inédites, de Pierre Alessandri, laissant entendre que les membres du commando ont pu se sentir trahis par Yvan Colonna, n'ont provoqué aucune interrogation de la cour (voir nos éditions du 10 mars).
Les fameuses écoutes fantômes
La défense, à l'évidence, a franchi les bornes, comme lorsque Me Antoine Sollacaro a traité la cour de «junte birmane». Mais, en dissimulant des pièces, le président a laissé s'installer l'idée que les débats étaient faussés. Son attitude face à certains témoins laisse pantois : pas une question de fond à Mlle Contart, qui a longuement croisé le regard de l'assassin du préfet - elle jure que ce n'est pas Yvan Colonna -, des dizaines de questions à Jean-Louis Malpelli, témoin oculaire de rien du tout à part de la pizza qu'il avait dégustée, le 6 février 1998, avec sa compagne, pendant que le préfet Érignac tombait sous les balles. Comment rester sans réaction face à tout cela, quand on défend un homme qui encourt la plus lourde des peines ?
Mercredi encore, les avocats d'Yvan Colonna demandaient à M. Wacogne si les fameuses écoutes fantômes avaient été, comme il l'avait promis la semaine passée, versées au dossier. «Je n'ai pas de nouvelles», répond, désinvolte, le magistrat. Un peu plus tard, justifiant le fait qu'il avait en revanche annexé les photos d'un transport sur les lieux effectué lors du premier procès, il s'essaye à l'humour : «Si j'avais voulu verser la recette du brocciu, j'aurais pu le faire.» Le président Wacogne en est donc au fromage. Le dessert sera pour la fin mars : la condamnation à perpétuité d'un box vide, en guise de pièce montée judiciaire.



Les non-dits de l'ex-ami de Colonna
Stéphane Durand-Souffland
09/03/2009 | Mise à jour : 21:14


« .. À noter l'attitude troublante du président Wacogne : il ne questionne pas le témoin de manière classique, mais tronçonne son discours en minuscules portions, n'ayant de cesse de lui couper la parole pour faire acter le moindre de ses mots, alors que les parties ne lui en demandent pas tant. S'il ne s'était autoproclamé dernièrement grand défenseur de l'oralité des débats, on pourrait croire qu'il tente de saboter la déposition de M. Alessandri. Avant que celui-ci ne reparte en prison, Yvan Colonna se lève et lance à la cour : «J'ai le sentiment que vous allez me condamner au nom de la raison d'État.» On peut reprocher beaucoup de choses au président Wacogne, pas de ne pas faire acter ce que les protagonistes refusent de dire. »

Colonna : ces hypothèques qui pèsent sur le procès
Stéphane Durand-Souffland
02/03/2009 | Mise à jour : 09:10


« .. En ce qui concerne les affaires Vinolas et Lebbos, l'attitude du président paraît peu défendable : il a caché la lettre dans laquelle le premier témoin annonçait, fin décembre 2008, ses «révélations», et dissimulé aussi longtemps que possible le certificat médical du second (dont l'audition est capitale), reçu le 9 février. Or, dans une telle affaire, la transparence est primordiale. Selon un avocat, Dominique Coujard, lorsqu'il présidait le premier procès, réunissait les parties chaque matin et leur communiquait les courriers reçus la veille. En clair, il déminait l'audience, quand M. Wacogne donne l'impression de déposer lui-même les bombes à retardement. À noter qu'à chaque fois qu'il se retrouve dos au mur, le président, dont chaque décision sera désormais analysée sur la base de critères extrajudiciaires, est «lâché» par le ministère public. Cette abstention des avocats généraux est plus qu'incompréhensible : choquante. Certains assesseurs laissent par ailleurs supposer, à travers des mimiques excédées, que leur opinion est déjà faite, ce qui est inadmissible… »



Le blog de Jean-Michel Aphatie



Les jours passant, le procès s’enfonce dans la confusion, jusqu’au coup d’éclat qui voit Yvan Colonna quitter son propre procès et congédier ses avocats. Et brusquement, c’est à ce moment là que réapparaît Georges Lebbos. Le Parisien de samedi le décrit « en pleine forme lorsqu’il s’approche de la barre ». Envolée la dépression, mais envolés aussi les avocats de la défense qui aurait pu le cuisiner.
Cet épisode pose plusieurs questions qui, jusqu’à présent, ne le sont pas. Quel est donc ce médecin qui soit fait un certificat de complaisance pour éviter à quelqu’un un témoignage en cour d’assises, soit à un diagnostic totalement défaillant? Quelqu’un, au sein d’une justice ainsi bafouée, cherchera-t-il à éclaircir ce point qui n’est pas mince? Disons que pour l’instant, personne ne semble y penser.
Georges Lebbos est donc policier. Est-il digne de quelqu’un qui appartient à une institution aussi prestigieuse de chercher à se dérober à son devoir? Est-il admissible qu’un fonctionnaire au service du public puisse imaginer se soustraire à la justice? Quelqu’un envisage-t-il de sanctionner, ou bien de rappeler à l’ordre, ce fonctionnaire qui semble faire peu de cas de ses obligations? A priori, non, personne n’y songe.
Et que dire de la justice et de ses serviteurs ainsi bafoués, moqués, roulés dans la farine? Ne se trouve-t-il pas un magistrat, au procès ou ailleurs, pour stigmatiser de tels comportements? La ministre de la Justice n’a-t-elle rien sur un épisode aussi consternant?

C’est cela qui trouble au procès d’Yvan Colonna. Que ce dernier soit condamné s’il le mérite, si sa participation au crime est prouvée, soit. Que la justice fasse son travail, car un homme est mort et que ceci ne doit pas rester impuni. Mais s’il apparaît que les pouvoirs et les institutions se liguent pour faire apparaître une vérité qui n’est qu’une commodité, un arrangement qui camoufle les fautes et évite les humiliations, alors les citoyens ne doivent pas accepter cette conception de la justice qui déshonore la République et souille la citoyenneté.
Pour l’instant, ce procès a révélé trop de travers, trop de partialité, trop d’arrangements avec la sincérité, pour que l’on se satisfasse du spectacle donné par la justice française. Et au passage, ce qui trouble aussi, c’est le consternant silence du commentaire, de la politique, de l’observation. Faut-il donc pour la stabilité de la République que l’accusé désigné soit à tout prix coupable? Si c’est le cas, qu’on nous le dise. Tout sera alors plus simple.

Le procès Colonna, parce que c'est important 05/03

Chaque jour, le procès Colonna étonne davantage.
Hier matin, c’est un policier qui dépose, Philippe Frizon, membre des services anti terroristes au moment de l’enquête sur la mort du préfet Erignac. Au détour de l’interrogatoire que lui font subir les avocats de la défense, il mentionne des écoutes téléphoniques opérées à partir du 8 décembre 1998 au détriment d’un militant nationaliste. Ces écoutes judiciaires, explique le policier, font apparaître des conversations entre ce militant nationaliste, Alain Ferrandi, qui sera arrêté plus tard pour sa participation au meurtre de Claude Erignac, et Yvan Colonna.
Stupeur de la défense, et pour cause: ces écoutes téléphoniques n’ont jamais été mentionnées jusqu’ici. Du coup, elles ne figurent pas au dossier d’instruction, et leur absence renforce le sentiment d’une justice partiale. Pourquoi ces écoutes, et ce lien qu’elles établissent entre Alain Ferrandi et Yvan Colonna à la fin de l’année 1998, sont-elles importantes? Parce que jusqu’ici, les policiers assuraient qu’ils n’avaient jamais fait de lien entre l’accusé et le commando avant que les membres de ce dernier ne mentionnent le nom d’Yvan Colonna, en le dénonçant comme le tueur du préfet, lors de leur garde à vue, en mai 1999. Les policiers soutiennent cette thèse car elle leur permet de mettre à distance la critique que leur font les défenseurs du berger corse. C’est vous, disent-ils aux policiers, qui avaient suggéré le nom d’Yvan Colonna aux membres du commando après des dizaines d’heures de garde-à-vue, et ce ne sont pas eux qui vous l’ont donné spontanément. Faux, répondent les policiers, nous n’avions pas repéré Colonnaavant ces aveux. Voilà ce que ruinent d’un coup les fameuses écoutes téléphoniques.
Il s’est passé autre chose, hier, devant la Cour d’assises spéciale de Paris. L’une des pièces fortes de l’accusation est constituée par la localisation technique des téléphones portables des membres du commando le soir du crime, au moment du crime. Ce fut un des éléments qui justifièrent la condamnation d’Yvan Colonna lors du premier procès. Hier, au terme d’un questionnement précis, serré, de la part d’un des avocats de la défense, M° Gilles Siméoni, il est apparu que le scénario présenté depuis des années par la police, un tel se trouvait ici à telle heure, tel autre là, etc., ce scénario là ne correspondaient pas aux données techniques établies par les relais téléphoniques.
Il est d’ailleurs très étonnant de constater qu’il faut attendre un second procès pour établir ce fait. Ceci montre à quel point l’administration de la justice est une chose difficile quand il s’agit de construire une accusation à partir d’indices et non pas de preuves. Lors du premier procès, la technique a imposé une vérité qui ne résiste pas à l’examen d’un second procès. Extraordinaire démonstration, ou leçon, sur la fragilité de la comédie judiciaire.
Au total, depuis l’ouverture des débats, le 9 février dernier, les présomptions qui accusaient Yvan Colonna se sont effritées. Les connaisseurs du dossiers assurent que les jours à venir pourraient être plus difficiles pour lui. Défileront notamment à la barre les membres du commando qui, lors du premier procès, l’avaient disculpé avec beaucoup d’ambiguïté. Les chroniqueurs judiciaires ont expliqué après coup que ces auditions là avaient fortement contribué à la condamnation d’Yvan Colonna, sans toujours paraître comprendre que des disculpations ambiguës peuvent difficilement valoir preuve de meurtre d’un être humain.
Je n’ai jamais été pour ou contre la thèse de la culpabilité d’Yvan Colonna. Avec le recul, je m’étonne même de la forme d’inattention qui a été la mienne lors du premier procès, qui s’est déroulé en décembre 2007. En revoyant les éléments qui ont abouti à la condamnation à perpétuité, je ne peux pas m’empêcher de les trouver plutôt légers. Où avais-je la tête à ce moment là? Je n’en sais plus rien. Ce qui me semble important aujourd’hui, c’est que la justice française condamne l’assassin du préfet Erignac, cela, oui, c’est important et même très important. Mais il me semble impossible d’être le complice passif de la condamnation d’un individu, quel qu’il soit, parce que son acquittement remettrait trop de gens et trop de choses en cause. Ceci, c’est inacceptable.
La justice ne peut s’administrer que dans la sérénité et la certitude. Si un procès fait apparaître la culpabilité de quelqu’un, alors il doit payer sa faute, son crime en l’occurrence. Si en revanche, le procès ne permet pas de conclure, de lever le doute ou les doutes, alors il n’est pas possible d’accepter qu’un individu soit enfermé à vie sans que la société soit certaine de sa culpabilité.
Pour finir, la question n’est pas de savoir si Yvan Colonna est innocent. La question, autrement plus exigeante, est celle ci: Yvan Colonna est-il coupable? Pour l’instant, disons que la réponse n’apparaît pas comme une évidence.

Procès Colonna: présomption de culpabilité ou présomption d'innocence? 04/03

Laurent Le Mesle, procureur général près de la Cour d’appel de Paris, était l’invité de RTL, ce matin, à 7h50. Son intervention était justifiée par les désordres constatées devant la Cour d’assises spéciale qui étudie actuellement l’appel d’Yvan Colonna, condamné en décembre 2007 à la réclusion à perpétuité pour le meurtre du préfet Claude Erignac, assassiné à Ajaccio, le 6 février 1998.
Les désordres d’aujourd’hui sont essentiellement liés à la conduite chaotique du procès par le président Didier Wacogne. Des certificats médicaux qui empêchent la comparution de témoins essentiels paraissent être cachés jusqu’au dernier moment, ce qui handicape le travail de la défense. Le courrier d’un témoin prétendant apporter des éléments nouveaux est négligé. Le manque de curiosité du président face à certains propos tenus à la barre surprend ou étonne. Du coup, l’impartialité du président est questionnée, et avec elle celle de la Cour d’assises spéciale, composée uniquement de magistrats professionnels. Ceci conduit la défense d’Yvan Colonna à hausser le ton. Elle s’autorise parfois à verser dans l’outrance, et ceci d’autant plus facilement que le manque d’autorité du président l’y encourage. De proche en proche, le procès devient une cacophonie qui dessert l’idée même de la justice. Certains, observateurs avertis de ces instants où la société révèle ses propres faiblesses au travers du fonctionnement de son institution essentielle qu’est la justice, plaident pour un renvoi du procès.
C’est pour couper court à cette demande encore souterraine que Laurent Le Mesle a souhaité intervenir ce matin. Car c’est lui, procureur général de Paris, qui pouvait seul déterminer du moment et de la pertinence de son intervention. Il a choisi RTL pour le faire grâce à la présence attentive et distancié de la radio sur ce procès, en la personne de Chloé Triomphe, journaliste chargée des affaires judiciaires au sein de la rédaction. La preuve, encore une fois, que le journalisme est une démarche individualiste qui se fait en équipe.
Particulièrement à l’aise, brillant même, Laurent Le Mesle a dit sa conviction qu’il était dans l’intérêt de tous que  le procès aller à son terme, et son espoir qu’il en serait bien ainsi. Selon son raisonnement, les désordres y sont ponctuels, le président capable, et après une période de flottement qu’il impute au caractère particulier de l’appel, la dernière chance du prévenu dit-il, il espère fermement que la sérennité sera de retour pour la poursuite des débats, qui devraient s’échelonner jusqu’à la fin mars.
La part de langue de bois n’est pas mince dans son exposé, mais Laurent Le Mesle pouvait difficilement tenir un discours inverse. Le seul fait qu’il lui semble nécessaire de tenir un discours public sur ce procès en cours montre combien il est menacé, et combien l’administration de la justice paraît délicate dans ce dossier Colonna.
C’est la deuxième fois cette semaine que RTL évoque le procès Colonna à 7h50. Lundi, Christine Colonna était l’invitée de RTL, ce matin, donc, Laurent Le Mesle. Rappelons enfin qu’au premier jour de ce procès, le 9 février dernier, nous avions donné la parole à Dminique Erignac, la veuve du préfet assassiné. En quoi ce procès est-il important? Qu’est-ce qui se joue là, qui justifie cette ouverture de l’antenne aux acteurs de ce drame?
L’administration de la justice, partout, tout le temps, exprime les valeurs réelles d’une société. Quelques principes simples, en France, président à cette administration. Il revient à la justice de prouver la culpabilité de celui qu’elle accuse, et non à celui ci d’établir son innocence. Si un doute subsiste à l’issue de la confrontation générale que représente un procès, il doit profiter à celui qui est accusé. Depuis longtemps en effet, nous sommes collectivement acquis à l’idée qu’une mauvaise justice est préférable à une injustice.
Le meurtre de Claude Erignac, préfet de la République, représente un traumatisme particulier pour l’ordre social. Un homme a été assassiné et son meurtrier doit être condamné. Cet homme là représentait la République sur le territoire français, et l’intérêt public de sa condamnation s’en trouve renforcé. Ceci cependant, qui est exigeant, ne doit pas faire perdre de vue les principes énoncés plus haut. Il ne faut pas que quelqu’un soit condamné pour le meurtre du préfet Erignac. Il faut que le meurtrier du préfet soit condamné. Et ceci, évidemment, n’est pas la même chose.
Pour ne pas disperser le propos, il est nécessaire de se concentrer sur le procès en appel, en écartant donc le déroulement du premier procès, celui qui a abouti à la condamnation à perpétuité d’Yvan Colonna.
Pour l’instant, c’est à dire après trois semaines et demi de procès, l’appel n’est pas favorable à l’accusation. Aucun témoin ne reconnaît en Yvan Colonna l’homme qu’ils ont aperçu, de près ou de moins près, revolver à la main, assassinant Claude Erignac. Un collaborateur de celui ci a semé le trouble lors d’une audience en affirmant avoir tu des éléments complémentaires pouvant disculper l’accusé. Un policier qui a joué un rôle décisif dans l’instruction se trouve soudainement empêché de témoigner pour cause de maladie. Un expert en balistique émet des doutes sur la crédibilité physique d’Yvan Colonna dans la situation du tireur, le soir du meurtre. Tout ceci, qui est confus, tendrait plutôt à exonérer Yvan Colonna qu’à l’accabler du terrible geste qui lui est reproché. Ajoutons, dans le seul souci d’être complet, des enquêtes mal faites par la police et la gendarmerie, des pistes négligées, des témoins entendus dans de mauvaises conditions. Ceci pour conclure ce passage par deux considérations. Le dossier d’accusation ressemble à un édifice fragile, qu’un rien peut faire écrouler. D’autre part, tous les responsables administratifs de cette construction très critiquable continuent d’exercer sans le moindre souci leurs talents, qui dans la police, qui dans la gendarmerie, qui dans la magistrature.
Qu’y a-t-il à charge, indubitablement, dans le dossier Colonna? D’abord sa cavale de quatre ans. Pourquoi fuir si l’on est innocent? Et puis, un autre élément l’accuse, la dénonciation dont il est l’objet, en mai 1999, par des membres du commandos ayant participé au meurtre de Claude Erignac. A la question que leur pose des policiers: qi a tiré?, ces hommes là, des corses, répondent en citant Yvan Colonna. Négligeons le fait que ces aveux ont été reçus dans de mauvaises conditions, pratiquement hors des procédures légales, ce qui est un souci, et retenons seulement la dénonciation pour convenir qu’elle accable Yvan Colonna.
Voilà, de manière synthétique, les éléments du dossier. Au mieux ou un pire, que peut-on en dire? Qu’ils constituent une présomption de culpabilité. Mais la raison, quel que soit les sentiments, les sympathies, quelle que soit aussi la révolte et le dégoût que suscitent le crime, la compassion que l’on peut éprouver par la très digne et très douloureuse Dominique Erignac, la raison donc, conduit à dire que l’on ne peut condamner un individu, en France, sur une présomption de culpabilité. Cela est impossible. Il ne s’agit pas de dire ici qu’Yvan Colonna est innocent. Il s’agit de dire qu’à cette étape du procès, rien ne vient prouver qu’il est coupable, et dans l’horrible balance que représente toujours un dossier criminel, les pièces à charge paraissent parfois tellement suspectes que la condamnation semble improbable.
J’évoquais tout à l’heure l’intérêt public particulier qui s’attache à ce procès. Le choc politique du meurtre d’un préfet fut tel en février 1998 que les autorités politiques de l’époque ont décidé de mettre tous les moyens en oeuvre pour trouver les coupables. On imagine que la pression a été très forte sur les services de police et de gendarmerie sur l’île pour que l’enquête aboutisse, et qu’elle aboutisse le plus rapidement possible. Nous savons aujourd’hui les désordres que tout cela a créé, et les conditions dans lesquelles des personnes ont été arrêtés.
L’Etat, de ce fait, se trouve profondément engagé dans ce dossier. Pour lui, pour ceux qui le représentent aujourd’hui, l’idée même d’un acquittement possible d’Yvan Colonna doit être inconcevable, inscrite au registre de l’impossible. Ceci représenterait en même temps, pour l’Etat et ses serviteurs,  une humiliation et un scandale. Des comptes, sans doute, seraient réclamés. Un désordre public serait créé.
Est-il admissible, cependant, que le souci d’éviter ce désordre conduise les responsables à l’aveuglement judiciaire? Yvan Colonna doit être jugé en fonction du dossier, de son contenu, des témoignages qu’ils l’alimentent. Il ne peut pas être jugé, et donc condamné, pour préserver un ordre public, des institutions, et pour venger une République souillée par le sang de l’un de ses serviteurs.
Le procès en appel se poursuit donc. D’autres personnes viendront dire leur vérité. Il faudra, au bout du compte, que la décision finale soit irréprochable, étayée, pour éviter que ne s’installe le sentiment d’une mauvaise justice, source d’une indéfendable injustice.


Yves Bordenave

LE MONDE | 17.03.09 | 13h35  •  Mis à jour le 17.03.09 | 21h33



Un box vide, des bancs de la défense désertés : la cour d'assises spécialement composée de Paris qui juge Yvan Colonna depuis le 9 février n'a plus que ses apparats. Elle s'apprête à décider de l'innocence ou de la culpabilité d'un homme qui risque la prison à perpétuité, en son absence et en celle de ses défenseurs. Depuis le 11 mars, date du départ de l'accusé et de ses avocats, les débats se poursuivent mais les dés sont pipés : que vaut une discussion judiciaire, lorsque le principal intéressé refuse d'y participer ?
Le président, Didier Wacogne, a beau continuer, feignant d'entendre les témoins selon une règle d'impartialité dont il serait désormais l'unique garant, rien n'y fait : le procès en appel d'Yvan Colonna, accusé d'avoir assassiné le préfet Claude Erignac le 6 février 1998 à Ajaccio, a sombré dans un simulacre de justice. Pourtant, il faut bien juger Yvan Colonna selon la loi, que celui-ci l'accepte ou non.
Reste à comprendre comment on a pu arriver à cette parodie qui entachera le verdict de manière indélébile. Le refus d'Yvan Colonna d'assister à son procès, au bout de cinq semaines d'audience, constitue l'aboutissement d'une chronique d'un départ annoncé. Le motif invoqué - le rejet d'une seconde demande de reconstitution - est un prétexte. La preuve, selon l'accusé et ses avocats, que cette cour formée de magistrats professionnels triés sur le volet par le premier président de la cour d'appel de Paris n'est pas là pour rechercher la vérité, mais pour condamner leur client "au nom de la raison d'Etat".
Dès le 17 février, Me Antoine Sollacaro, suivi de ses confrères Pascal Garbarini et Gilles Simeoni, avait quitté le prétoire "provisoirement" en signe de protestation. La cour avait différé sa décision concernant une demande de supplément d'information à la suite du témoignage de l'ancien secrétaire général adjoint de la préfecture de Corse, Didier Vinolas, selon lequel des suspects "couraient toujours dans la nature".
Les avocats avaient dénoncé une manoeuvre dilatoire et s'en étaient pris au président, Didier Wacogne, lui reprochant sa "déloyauté" et sa "partialité". N'avaient-ils pas surpris celui-ci en flagrant délit de mensonge, cinq jours auparavant ? En effet, le 17 février, lors de sa déposition, Didier Vinolas assurait en avoir préalablement informé le président Wacogne par lettre. Lequel ne l'avait pas communiquée aux parties, ni avant ni pendant l'audience. Il s'en est justifié de manière un peu piteuse : "Je n'ouvre pas mon courrier avant les débats."
Cette missive avait également été adressée au parquet général, qui l'avait transmise au président de la cour. Dès lors, il apparaît peu probable que, contrairement à ses assertions, celui-ci n'en ait pas pris connaissance. "J'ai le sentiment que lorsque M. Vinolas écrit, on veut ignorer ce qu'il écrit", s'était indigné Me Maisonneuve. En tentant de dissimuler cette lettre, Didier Wacogne n'a fait qu'accroître la défiance et la tension qui plombaient déjà cette audience.
Cet épisode a laissé des traces. La défense du berger de Cargèse a marqué des points, l'autorité du président s'en est trouvée durablement entamée et l'accusation affaiblie. A tel point que, spectatrice d'un procès qui partait à vau-l'eau, l'opinion, pourtant longtemps acquise à la culpabilité de l'accusé, a fini par basculer. Pour la première fois depuis sa cavale, le 24 mai 1999, Yvan Colonna bénéficie du doute qui a toujours assombri l'enquête liée à cette affaire. Aux yeux de l'opinion, l'ex-fugitif le plus recherché de France - "mort ou vif", avait lancé l'ancien chef de la DNAT, Roger Marion - pourrait ne pas être "l'assassin" que Nicolas Sarkozy, alors ministre de l'intérieur, avait stigmatisé sous les applaudissements de la foule le 4 juillet 2003 à Carpentras (Vaucluse).
Du maquis où il s'est réfugié pendant quatre ans, comme du fond de sa cellule où il est incarcéré depuis six ans, Yvan Colonna a toujours clamé son innocence. Ses accusateurs, juges et policiers, n'ont jamais produit un élément matériel ou factuel qui le confonde sans contestation possible. Seuls les aveux des membres du commando et de leurs épouses obtenus en mai 1999, à l'issue de gardes à vue dont le déroulement a toujours été sujet à controverse, fondent sa mise en cause. Pas plus. Pas moins.
Près de deux années se sont écoulées avant que les premiers ne se rétractent. Les autres ont suivi, selon une discipline implacable et une spontanéité douteuse. Au fil de leurs rétractations, les conjurés n'ont jamais expliqué les raisons pour lesquelles ils auraient livré un innocent. Variables, imprécis et plusieurs fois modifiés, leurs récits sont si peu convaincants qu'ils en deviennent suspects. "Je ne comprends pas que vous ayez mis tant de temps à dire la vérité !", s'est étonné Yvan Colonna lors de leur venue à la barre.
Le 9 mars, devant la cour, Pierre Alessandri, qui s'est accusé d'avoir tiré sur le préfet, a suggéré que Colonna aurait appartenu à leur groupe mais qu'il se serait "déballonné". Personne n'a relevé. Ni l'accusation, ni la défense, ni Colonna, qui a changé de sujet. Dans quelques jours, la cour rendra son verdict. Celui-ci dira la vérité judiciaire. Approchera-t-elle la vérité simple ? A l'issue d'un tel procès, cette question hantera toujours les esprits.


PAUL GALOIS

Lutte ouvrière

Le procès d'Yvan Colonna - Condamné d'avance ?
Yvan Colonna avait été condamné en 2007 à la prison à perpétuité pour l'assassinat du préfet Érignac, commis le 9 février 1998. Cette condamnation, en l'absence de toute preuve matérielle, reposait sur les seules accusations de participants à l'attentat, lesquels s'étaient ensuite rétractés et affirment depuis avoir donné le nom de Colonna sous pression de la police. Colonna, lui, n'a jamais varié dans ses déclarations : il affirme être innocent.

Le procès en appel qui se déroule depuis le mois de février n'a pas éclairci la situation, au contraire. Il apparaît bien que la police parlait de Colonna... avant que son nom ne soit prononcé par les membres du commando. Interrogés là-dessus, les policiers parlent d'écoutes téléphoniques. Mais celles-ci n'ont jamais été versées au dossier.

L'absence de preuve matérielle et de témoignage direct est toujours flagrante. Au contraire, des témoins directs de l'assassinat affirment ne pas reconnaître l'accusé. Pourtant, de toutes les dépositions, contradictoires entre elles et au fil du temps, la cour semble ne retenir que celles qui accusent Colonna. Aussi on semble bien s'acheminer vers une confirmation de la condamnation, programmée avant même l'ouverture du procès et maintenue à toute force.

En droit, les accusés sont présumés innocents. Dans le cas de Colonna, on a l'impression que l'État, depuis qu'il a été dénoncé, l'a présumé coupable pour des raisons aussi obscures que les procédures policières... ce qui n'est pas peu dire.

Jacques Bernard

Yvan COLONNA : Coupable ou Innocent ?


A défaut de répondre à dette cruciale question de la culpabilité ou de l’innocence d’Yvan COLONNA, penchons-nous sur un dossier judiciaire instruit seulement à charge.
En droit absolu, pour autant que ce concept signifie quelque chose, mieux vaut cent fois courir le risque de relaxer un coupable, plutôt que de condamner un innocent. Et plus encore quand le doute prévaut, dont on sait qu’il doit par principe profiter à l’accusé. Joli principe certes, mais rarement appliqué, l’intime conviction suffisant à le dépasser en même temps que ses effets. Intime conviction qui, si l’on y réfléchit bien, relève en matière judiciaire d’une notion délirante quand elle ne repose sur rien de tangible.
En nous intéressant à quelques affaires judiciaires d’envergure, nous avons fini par nous faire une idée assez précise de ce que sont le monde, la matière et le raisonnement Judiciaires, et comment ils s’utilisent…Entendons par là : comment ils se manipulent !
Des années durant, et d’ailleurs encore aujourd’hui, nous avons suivi, approfondi et compris l’affaire des innocents MIS et THIENNOT, injustement condamnés avec six de leurs camarades il y a plus de soixante ans. Nous avons surtout compris comment une « erreur judiciaire » s’était orchestrée d’avance, volontairement, et combien la Justice s’y entêtait contre toutes les évidences. Ne parlons pas des SEZNEC, DREYFUS, AGRET, DILS, RADDAD et consorts. Ni d’OUTREAU…
A cet éclairage là, force est d’admettre que ce que nous connaissons du dossier d’Yvan COLONNA prend une toute autre tournure que celle qui lui a été imprimée.

Une fuite rocambolesque

Dans la nuit du 6 septembre 1997, la gendarmerie de Pietrosella (Corse du Sud) fait l’objet d’une attaque de nationalistes corses. Les pistolets de deux gendarmes sont dérobés.
Cinq mois plus tard, le 6 février 1998, Claude ERIGNAC, Préfet de Corse, est assassiné en pleine rue d’Ajaccio à 21h05. Un des pistolets volés à Pietrosella est laissé sur le trottoir, comme une signature…
Le 9 février suivant, un groupe anonyme revendique cet assassinat.
D’abord, l’enquête piétine, bien qu’ayant été confiée à la D.N.A.T. (Division Nationale Anti-Terroriste) et mobilisant des moyens considérables. Pas moins de 347 personnes, en un peu plus d’un an, sont mises en examen ; 42 d’entre elles étant incarcérées plusieurs mois, certaines jusqu’à 18 mois ! alors même qu’aucune charge n’a en définitive été retenue contre elles. (Source F.I.D.H./Fédération Internationale des Droits de l’Homme, qui a mandaté cinq observateurs pour suivre de bout en bout le procés d’Yvan COLONNA du 12 novembre au 14 décembre 2007). - (C’est à cette époque, souvenons-nous en, qu’interviennent dans ce magma corse en perpétuelle ébullition le fameux incendie d’une " Paillotte " en avril 1999, puis le placement en garde à vue du Préfet BONNET qui a succédé à Claude ERIGNAC, et de plusieurs gendarmes…3 mai 1999).
Le 21 mai 1999, ça se corse, si l’on veut bien m’autoriser la formule. Trois femmes et quatre hommes, parmi lesquels trois reconnaîtront être impliqués dans l’assassinat du Préfet ERIGNAC, sont arrêtés, mis en garde à vue, dont Alain FERRANDI, connu de plusieurs services de Police pour ses engagements nationalistes et pour l’amitié qu’il porte à Yvan COLONNA…En matière anti-terroriste, la garde à vue peut se prolonger 96 heures.
Durant celle-ci est avancé le nom de COLONNA, mais d’une manière dont on est en droit de se demander si elle n’a pas été provoquée par les suggestions policières. Il apparaîtra en effet plus tard que, contrairement aux premières affirmations de la D.N.A.T., la garde à vue ne s’est pas déroulée dans le plus strict cloisonnement nécessaire au meilleur établissement de la vérité des faits.
Sans entrer ici dans un détail qui serait trop long à exposer, retenons que trois des protagonistes désignent Yvan COLONNA non seulement comme leur complice mais comme celui qui a tiré sur le Préfét ERIGNAC. L’assassin, disent-ils, c’est lui !

Une enquête à trous

Pour donner le ton de cette affaire, il faut savoir qu’auparavant, durant l’été 1998, un soi-disant informateur du Préfet BONNET aurait désigné quant à lui Jean CASTELA et Vincent ANDRIUZI comme étant les Commanditaires. On parle alors de la Piste Intellectuelle. Les deux hommes ainsi présentés ont écopé en conséquence d’une peine de trente ans de réclusion criminelle. Avant d’être, en Appel, innocentés et acquittés de ce chef, faute de preuves…(Mais aprés avoir passé plus de six années en détention…préventive…).
Le 24 mai 1999, est délivré un mandat d’arrêt à l’encontre d’Yvan COLONNA ; alors même qu’à la différence de ses présumés complices qui ont été confondus sur la base de preuves matérielles, il n’en existe aucune à cet endroit. Il est important sur ce point de faire la différence entre un simple avis de recherche, un mandat d’amener ou un mandat d’arrêt qui tend à laisser préjuger d’une culpabilité et qui équivaut juridiquement à une mise en examen.
Ce n’est singulièrement que deux jours plus tard, le 26 mai 1999, selon des informations (confirmées par un de ses avocats), que la police se dérange au domicile d’Yvan COLONNA. Eût-elle voulu lui laisser le temps de prendre le maquis qu’elle ne pouvait pas mieux faire ! Et de fait, Yvan s’est fait la belle, après avoir clamé son innocence auprès de certains journalistes. Motif annoncé : l’inquiétude d’avoir affaire à une Justice anti-terroriste qui fait l’objet, surtout en Corse, d’une très mauvaise presse.
Dés ce moment sont lâchées toutes brides à l’opinion publique, aux médias qui la fouettent, et jusqu’aux plus hautes personnalités de l’Etat (dont deux Ministres de l’Intérieur : CHEVENEMENT et SARKOZY), qui ne voient plus dans Yvan COLONNA un présumé coupable (au lieu d’un présumé innocent), ni même un coupable idéal, mais un coupable certain.
Dés ce moment, la présomption d’innocence, fondamentale en Droit français, a été piétinée, bafouée sur toute la ligne et de toutes les manières. L’ensemble de la Presse, sans euphémisme, sans retenue ni la moindre contradiction, a prononcé, avant les Juges, le verdict d’une culpabilité non avérée. Et qui ne l’est toujours pas…
Cette précipitation pouvait certes se comprendre puisque la dénonciation d’Yvan COLONNA, et sa fuite simultanée l’accablaient. Elle n’en est pas pour autant admissible. Encore moins aujourd’hui que se découvrent des manipulations, des pressions et des irrégularités policières, une instruction menée EXCLUSIVEMENT à charge, des manquements et des absences juridiques d’importance, et pour tout dire, des « dysfonctionnements » judiciaires qui se perpétuent.
Aussi, quelle idée de refuser d’affronter une enquête et de s’enfuir en se chargeant ainsi soi-même ! Relativisons simplement en nous souvenant de ces innocents qui se sont accusés eux-mêmes (pour quelles raisons profondes ?) de délits ou de crimes qu’ils n’avaient pas commis.

Justice à charge

En fin de compte, la mise en cause d’Yvan COLONNA dans la double affaire considérée (Pietrosella et ERIGNAC) ne reposait que sur la dénonciation à son encontre de trois personnes, quant à elles impliquées. Deux de ces trois personnes, dès 2000, sont revenues sur leurs dires. Lors de leur procés en juillet 2003, toutes ont confirmé que leurs « aveux » n’étaient pas fondés, innocentant ipso facto l’intéressé ! Et pour finir, Pierre ALESSANDRI, en 2004, s’est déclaré l’auteur des coups de feu sur le Préfet ERIGNAC, fournissant en outre ultérieurement un élément matériel tangible (la cache du second pistolet dérobé à Pietrosella) qui étayait ce nouvel aveu.
N’agissant qu’à charge, la Justice anti-terroriste n’a pas tenu compte de ces nouveautés, estimant qu’il ne s’agissait que d’un procédé de solidarité entre complices.
Elle n’a pas davantage tenu compte du témoignage formel de cinq personnes qui se trouvaient aux alentours du Préfet ERIGNAC le jour de son assassinat et qui n’ont pas reconnu Yvan COLONNA. En revanche, considérable défaillance que même une instruction à charge ne saurait autoriser, elle s’est abstenue de confronter ces témoins précieux à celui qui s’est accusé d’être le tireur ! Ainsi s’est-on gardé de faire confirmer par des tiers, témoins oculaires de poids, la culpabilité de Pierre ALESSANDRI qui innocentait Yvan COLONNA en ruinant toute l’argumentation de l’instruction à son encontre. C’est fort ! C’est ignoble !

Contradictions dans les PV

Fortes aussi les contradictions rédhibitoires qui émaillent les P.V. d’audition tirés de la garde à vue du 21 mai 1999, sur lesquels la majesté de la Justice est passée sans s’émouvoir. Pour seul exemple (mais parmi d’autres), Didier MARANELLI, premier à avoir mis en cause Yvan COLONNA, l’a déduit du fait qu’il dit l’avoir accompagné dans un appartement d’Ajaccio où se trouvait l’arme du crime. Aucun autre des protagonistes n’évoque l’existence de cet appartement. Mais en revanche l’un d’entre eux revendique d’avoir lui-même apporté l’arme sur les lieux du crime… Et la Justice se satisfait d’une si énorme contradiction, dont il ne faudrait tout de même pas oublier qu’elle concerne l’avenir d’un homme qui a été condamné, sur de telles bases, à la réclusion criminelle à perpétuité ! Mettez-vous deux secondes à sa place en imagineant que vous êtes innocent, çà vous donnera sûrement des picotements dans les pieds !
Contrairement à l’opinion de MAURRAS à propos de DREYFUS : « Qu’importe qu’il soit coupable ou innocent ? L’intérêt de la Nation commande qu’il soit condamné » (cité par le Comité de Soutien d’Yvan COLONNA), je pense, pour ma part, que l’intérêt supérieur de la Nation doit nécessairement céder devant le bien plus haut intérêt de la Justice qui, quant à lui, concerna la planète entière. Comment alors des Magistrats peuvent-ils se contenter d’enquêtes bâclées ?
La D.N.A.T et les R.G. ont d’abord soutenu qu’Yvan COLONNA leur était étranger avant qu’il soit dénoncé. Revenant sur cette parfaite contrevérité, ils ont admis, dans un second temps, devant les Juges que les COLONNA (les deux frères Yvan et Stéphane) avaient été placés sur écoute, filés, « balisés »… et que cette espèce d’enquête préliminaire non motivée n’avait strictement rien donné, ne permettant pas le moindre soupçon notamment à l’encontre d’Yvan. Celui-ci n’a pourtant pas profité de ces constatations policières à sa décharge, attendu qu’elles ne figurent nulle part dans son dossier puisqu’il n’a été exclusivement instruit qu’à …charge. Et roule Raoul !

Défaillances de l’appareil d’Etat

Nous pourrions continuer longtemps l’énumération des défaillances policières, juridiques et judiciaires, dans cette affaire dénaturée d’avance par l’atteinte à la présomption d’innocence. Telle l’absence de toute reconstitution, pourtant fondamentale en matière criminelle. Telle l’inadmissible absence ou l’inadmissible retard de confrontations essentielles, fondamentales elles aussi en matière criminelle. Telles des gardes à vue influencées par des manipulations, des pressions, l’évocation de preuves inexistantes qui, fût-ce par ce procédé, pousse un peu loin le prêche du faux non pour savoir le vrai mais pour le modifier aux dépens du mis en cause ! Tels des procés séparés concernant pourtant une seule et même équipe de présumés complices, comme si la Justice voulait se donner les meilleurs d’être plus sûrement défaillante. Etc, etc, la place me manque.
A l’instar d’un Patriot Act américain qui s’est ouvert sur les abus les plus liberticides, se cariturant avec Guantanamo et ses régimes d’exception, la Loi française a institué une Justice anti-terroriste dont les méthodes et les polices relèvent de l’arbitraire. C’est en effet seulement dans ce genre que, par une trés inquiétante inversion du Droit, c’est à l’accusé qu’il appartient, comme pour Yvan COLONNA, de faire la preuve de son innocence et non à l’accusation de faire celle de sa culpabilité ! Laisser prospérer un si révulsant mécanisme ne reviendrait pas seulement à se passer la corde au cou, mais aussi à ouvrir soi-même la trappe pour se pendre !
Si d’aventure un justiciable parmi nous se disait naïvement in petto qu’il n’est tout de même pas possible que des magistrats responsables condamnent quelqu’un à perpét’ sans un dossier compétent, nous lui répondrions ceci :
D’abord, la Justice se trompe régulièrement, volontairement ou involontairement, encore trop souvent et d’autant plus quand elle est plus imbue d’elle-même. Ensuite, de deux choses l’une ; ou elle est incorrectement informée et décide donc au vu d’éléments insuffisants, ne s’en remettant qu’à une intime conviction dénuée de consistance, qui par ailleurs peut être orientée par des tiers (le pouvoir politique par exemple), ou elle est correctement informée et se doit alors de délivrer publiquement la nature de la totalité de ses informations, de sorte que le Peuple français au nom duquel elle se rend soit à même d’apprécier et de discuter la qualité de ses décisions.
Il s’en conclut qu’eu égard au dossier connu d’Yvan COLONNA, la Justice s’est placée dans un dilemme qui la dessert, mais qui surtout dessert le condamné ! Dans le connu, aucun élément sérieux, tangible, valide, ne permet de condamner l’intéressé à la plus petite peine. Dans l’inconnu, la Justice n’en a tout simplement pas le droit.
C’est à la Cour d’Appel qu’il appartiendra de rétablir l’ordre des choses dans le sens attendu…
Le Procés en Appel d’Yvan COLONNA s’ouvre le 9 février prochain et est prévu de durer jusqu’au 13 mars.

France Soir – Isabelle Horlans

Procès Colonna - Les six semaines et demie d’audience laissent un sentiment d’inachevé


Isabelle Horlans, le mercredi 25 mars 2009 à 04:00

La famille du préfet Claude Erignac espérait connaître la vérité, définitive, incontestable. En laissant le procès sombrer dans le chaos, la justice ne lui a pas apporté les réponses méritées. Pire : l’accusation n’a pas su contrer une défense qui a tordu le cou au scénario érigé en dogme.
S’ils avaient à rendre un arrêt, les observateurs objectifs seraient inévitablement en peine de clore le seul débat qui vaille : Yvan Colonna a-t-il tiré trois fois sur Claude Erignac, un homme sans défense qui, le soir du 6 février 1998, se rendait à un concert donné à Ajaccio ? Depuis l’arrestation du commando en mai 1999, dont quatre des six membres ont désigné le berger avant de se rétracter, policiers et juges antiterroristes affirment qu’il est l’impitoyable assassin. Cette vérité-là, doctrinale, martelée pendant près de dix ans à la veuve et aux enfants du préfet de Corse, relayée par Nicolas Sarkozy lorsqu’il était ministre de l’Intérieur, s’est heurtée à de sévères contradictions au cours du procès en appel, ouvert lundi 9 février. S’ils n’ont pas prouvé l’innocence de l’accusé, ses défenseurs ont instillé un doute sérieux.
Certes, les parties civiles et avocats généraux vont s’employer à l’écarter dès aujourd’hui. Probablement convaincront-ils la cour, composée de magistrats. Auraient-ils emporté la conviction de jurés populaires ? Pas sûr. La deuxième comparution d’Yvan Colonna, qui aurait dû refermer à jamais l’affaire Erignac, laisse un sentiment d’inachevé, à cause des questions qu’elle continue à soulever. Retour sur six semaines et demie de procès que certains professionnels du droit qualifient de « naufrage judiciaire ».
De multiples accrochages
Les débats auront été pollués par des incidents d’une violence rare, nécessitant l’intervention du bâtonnier. Plusieurs fois, Colonna et ses défenseurs s’en sont pris au président Didier Wacogne, l’accusant de se montrer « déloyal » et « partial » au motif qu’il a dissimulé des pièces et qu’il n’a vraiment interrogé que les témoins à charge. Manquant d’autorité, dépassé par les événements, peu aidé par des assesseurs semblant agacés ou détachés, le magistrat a perdu la maîtrise de l’audience. Il n’a pas pu compter sur les avocats généraux, en retrait. D’où la confusion totale et la prise de pouvoir des conseils du berger, jusqu’à leur départ le 11 mars.

Un ersatz de procès
Avant même que l’accusé et sa défense quittent les assises, des professionnels – magistrats, avocats, professeurs de droit – se sont prononcés contre la poursuite d’un procès mal engagé et bouleversé par des révélations à la barre qui auraient dû être purgées. Celles du commissaire Vinolas, par exemple, qui laissent encore à penser que deux hommes mêlés à l’affaire sont passés à travers les mailles du filet. Au lieu de reporter l’audience sine die pour correctement vérifier, la cour a poursuivi sa marche forcée, écartant même la reconstitution demandée, jamais effectuée. Enfin, l’absence de Colonna et de ses conseils depuis deux semaines a tant déséquilibré les débats qu’ils donnent à voir une apparence de procès, dont le verdict sera forcément controversé. Plusieurs moyens de cassation ont déjà été répertoriés par la défense qui, par ailleurs, envisage de saisir la Cour européenne des droits de l’homme où la France s’expose à une condamnation pour violation du principe du procès équitable.

Les certitudes acquises
Pas un seul témoin du crime n’a reconnu Yvan Colonna. Les deux personnes les plus proches de l’assassin ont au contraire, avec fermeté, exclu que ce fût lui qui ait tiré. Il est apparu constant que le tireur mesurait au moins dix centimètres de plus que l’éleveur corse. En l’absence de preuves matérielles, il ne reste que les aveux de quatre membres du commando et de leurs conjointes. A la barre, ils ont dit avoir été contraints de mêler M. Colonna à l’attentat. Certains se sont montrés convaincants, d’autres moins. L’impression laissée est la suivante : l’accusé a dû entrer, à un moment X, dans le plan des conjurés. Avant et/ou après les faits.

Les doutes qui subsistent
L’hypothèse d’un Yvan Colonna informé de ce qui se tramait a été renforcée par le témoignage de Pierre Alessandri, qui s’accuse d’être le tueur et qui purge une peine de perpétuité. Lundi 9 mars, il a exonéré son ami de trente ans mais il l’a tancé : « Effectivement, j’ai des reproches à faire à Yvan. Quand j’ai décidé de franchir le pas de la violence clandestine, j’ai espéré qu’il ferait partie de notre groupe. Ce que je lui reproche, c’est d’avoir laissé Didier Maranelli et Martin Ottaviani (NDLR : deux condamnés) monter au charbon alors qu’il aurait dû y aller, pour être cohérent avec son discours. » Pas une question ne lui a été posée après sa déclaration sibylline. Il aurait pourtant fallu approfondir : le berger s’est-il dégonflé, a-t-il rompu le pacte ? A-t-il été dénoncé par vengeance ? Le ministère public n’avait pas intérêt à trancher le nœud gordien, sauf à accepter l’idée d’abandonner les poursuites d’assassinat au profit de l’association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste. Quant à la défense, également muette, elle a agi selon les souhaits de son client, qui plaide exclusivement l’innocence.




Les débats se sont achevés au pas de charge

Ambiance surréaliste, au procès d’Yvan Colonna, à la cour d’assises spéciale de Paris. Rasséréné depuis que l’accusé et sa défense sont partis, le président a achevé, au pas de charge, l’audition de témoins plusieurs fois convoqués, puis renvoyés sans être entendus à cause des incidents. Les voici donc, à la barre ou sur écran plasma, en visioconférence d’Ajaccio afin de limiter les frais. Certains n’ont rien à dire, d’autres reviennent sur des faits évoqués en février et début mars, retour en arrière qui contraint l’auditoire à une gymnastique intellectuelle et accroît la confusion. Cela étant, les observateurs ne sont pas nombreux – on dirait une audience à huis clos. Parties civiles et avocats généraux ne posent plus de questions, les assesseurs ne prennent plus de notes ; il est temps d’en finir.

Deux alibis pour Pietrosella

Mardi, l’ex-compagne, le frère et la tante d’Yvan Colonna ont décliné l’invitation. En revanche, le restaurateur Paul Donzella a redit que M. Colonna et son fils dînaient à sa table le soir du 6 septembre 1997. Il ne lui était donc pas possible de faire sauter la gendarmerie de Pietrosella où fut volée l’arme meurtrière. Outré que l’on puisse en douter, il a affirmé que « c’est gravé et ça restera gravé » dans sa mémoire. Sylvie, habitante de Cargèse, a indiqué que, plus tôt, ce même soir, ils étaient sur la place du village. Les représentants des parties civiles plaident aujourd’hui. Les deux avocats généraux requerront demain contre l’absent. Ils ont renoncé à le faire venir par la force. La cour rendra son verdict vendredi. Peut-être devant un box vide, mais face à une salle que les Corses comptent bien remplir.


Ludovic Pinto

Avocat

Par ludovic.pinto le 24/03/09 - 16:04
Publié sur ludovic.pinto

Dans une tribune publiée hier dans le journal Libération, le bâtonnier de Paris, Christian Charrière-Bournazel, prend position en faveur du droit, pour des avocats récusés, de refuser d'être commis d'office.
Il s'agit d'un soutien précieux aux avocats d'Yvan Colonna qui ont décidé de ne pas obéir à l'injonction qui leur était faite de poursuivre le procès, en dépit de la volonté de leur client, en qualité de commis d'office par le Président de la Cour d'assises.
Après avoir rappelé que "la loi confère aux propos tenus dans l'enceinte de justice une immunité sans laquelle il n'existerait aucune défense libre", le bâtonnier de Paris a justifié ainsi son point de vue :
"Nous ne sommes pas avocats pour nous-mêmes, mais pour ceux qui nous appellent à l'aide. Qu'ils refusent d'être défendus est leur droit. Notre devoir nous impose de respecter leur décision. La Convention de sauvegarde des droits de l'homme dispose que toute personne traduite en justice a le droit de se défendre seule ou de recourir à l'assistance d'un avocat. Elle a le droit de garder le silence, de refuser de comparaître. Ses choix lui appartiennent. Je n'accepterai jamais que l'on impose un avocat à qui n'en veut pas, comme s'il était l'alibi d'une juridiction que l'accusé récuse".
La démonstration est implacable.
Quitter un procès est en effet un droit pour l'accusé.
Dès lors, on peut légitimement penser que c'est un devoir pour ses avocats de le suivre.
Dans ce contexte, le bâtonnier de Paris, qui a refusé de commettre d'office un défenseur en remplacement des avocats récusés, annonce qu'il désapprouve les éventuelles poursuites disciplinaires dirigées contre les avocats d'Yvan Colonna.
Courageusement, il écrit : "La presse annonce des poursuites contre les avocats qui refusent d'être commis d'office. J'entends en ce cas être le premier poursuivi".
Sur le fond, il invite les juges à "s'interroger sur les raisons de la rupture".

Cette stratégie fonctionne car, indiscutablement, les avocats d'Yvan Colonna sont en train de gagner la bataille de l'opinion.
Et cela commence par les journalistes qui, sans afficher leur conviction intime, égratignent le président de la Cour à longueur d'articles.
Ainsi Stéphane Durrand Souffland, journaliste du Figaro, a écrit plusieurs papiers très critiques concernant la présidence du procès. Aujourd'hui, à propos de l'absence de communication du certificat médical d'un témoin essentiel, il parle d'une « nouvelle bourde incompréhensible » du haut magistrat. Plus grave, il met en cause son impartialité, de manière explicite, en écrivant « le président consent enfin à communiquer ce certificat qu'il couvait jalousement en arguant du secret médical, alors qu'il a, entre autres, dévoilé le détail des deux angioplasties » d'un autre témoin.
Le journaliste va même jusqu'à moquer le magistrat quand il rapporte cette scène qui se déroule juste après qu'un des avocats corses d'Yvan Colonna lui ait demandé de quitter le procès qu'il serait, selon ce dernier, « indigne » de présider :
« C'est à cet instant que le président, qui devrait faire preuve de fermeté, se retrouve, de facto, déposé : «Il y a des limites», lance-t-il en panne de formule plus vigoureuse et - obéirait-il à Me Sollacaro ? -, il suspend l'audience et se retire »
Je pourrais également reprendre de nombreuses autres formules assassines comme celle par laquelle le journaliste raille le président et sa fameuse doctrine du « témoin idéal » (ceux qui ont lu les articles en question me comprendront).
Passons à Sylvie Véran, qui tient un magnifique blog de chroniques judiciaires.
Hier, elle a écrit que « La déplorable affaire Vinolas, procès dans le procès, avait déjà fait comprendre que le président Wacogne, flanqué de deux avocats généraux sans étoffe, avait du mal à maîtriser la situation face à une défense particulièrement pugnace ». Elle conclut, après avoir rappelé quelques autres dysfonctionnements, que « Tout cela n'a pas grande importance, par rapport aux faits jugés, mais permet de jeter le doute sur une instruction il est vrai mal ficelée et par conséquence sur la façon dont se déroulent les débats de la Cour spéciale d'appel de Paris. Ainsi va deuxième procès d'Yvan Colonna, plus proche de l'implosion que de son achèvement ! ».
Il y a quelques jours, elle a critiqué les décisions du président en relevant qu' « Il paraissait à priori légitime que les avocats d'Yvan Colonna, accusé d'être l'assassin du préfet Claude Erignac et de ce fait passible de la prison à perpétuité, sollicitent une confrontation hors audience entre l'ancien procureur de Paris Yves Bot, Didier Vinolas et Michel Poirson, son informateur »

La journaliste a également souligné « les maladresses, voire les tentatives de dissimulation du président Didier Wacogne ». « pourquoi a t-il programmé l'audition de Didier Vinolas un vendredi à 19H30 ? Au moment où une partie des avocats de la défense s'envolait pour la Corse et que la presse, sachant que Vinolas était resté muet en première instance, s'était absentée pour rédiger le compte rendu de la journée? Le président Wacogne pensait-il que les déclarations du commissaire, à ses yeux mineures quant au fond du dossier, passeraient comme une lettre à la poste ? Mystère. »
Sylvie Véran ne va pas jusqu'à conclure à l'impartialité du président mais il est difficile de penser le contraire en lisant ses articles.
Je pourrais multiplier les citations. Cela ne changerait rien à la démonstration.
Il est vrai que critiquer le président et soutenir Colonna sont deux choses différentes.
Néanmoins, je note que la presse, dans son ensemble, utilise un ton de plus en plus incisif à l'égard du président et de moins en moins défiant à l'égard d'Yvan Colonna.
De manière plus générale, les journalistes insistent dans chaque article sur le fait qu'Yvan Colonna a toujours clamé son innocence et sur l'absence de preuves matérielles.
La stratégie de défense de rupture des avocats d'Yvan Colonna a donc fonctionné. Cela n'était pas gagné d'avance.
Il est vrai que la presse prend soin de ne pas manifester explicitement une opinion quant à la culpabilité ou l'innocence d'Yvan Colonn.
Mais, parfois, certaines phrases trahissent une intime conviction.
Je me souviens ainsi d'un très beau compte-rendu d'audience écrit par Philippe Labro. L'écrivain mettait ainsi sur un pied d'égalité la sincérité du berger corse et celle de la veuve du préfet :

« Mais, alors que je prends mes notes, subrepticement me vient l'idée que, en réalité, même s'ils sont antinomiques, Mme Érignac et Yvan Colonna présentent un point commun. Tous deux sont cadenassés dans une immense solitude. Ils sont dominés jusqu'à l'obsession par un seul objectif, brûlés de l'intérieur par le feu de leur passion, la conviction quasi autistique qu'ils possèdent la vérité - Colonna de son innocence, elle de la culpabilité de Colonna ».


Procès Colonna : la rupture est consommée
Par ludovic.pinto le 11/03/09 - 17:26
On sait que les avocats d'Yvan Colonna pratiquent depuis le début du procès une défense de rupture, c'est-à-dire un combat contre la Cour d'assises, et plus particulièrement son président.
Le point d'orgue d'une défense de rupture est le départ volontaire du procès car elle oblige la Cour à suspendre les débats le temps de commettre d'office un nouvel avocat pour assister l'accusé.
Aujourd'hui, Yvan Colonna a récusé ses avocats à la suite du refus de la Cour d'assises d'organiser une reconstitution de l'assassinat du préfet Erignac, en dépit des nombreux éléments nouveaux révélés par ce second procès.
Au cas présent, le président de la Cour d'assises a immédiatement commis d'office les avocats d'Yvan Colonna pour poursuivre la défense de leur client, mais ces derniers ont refusé d'obéir à cette injonction.
Le procès Colonna est-il terminé ?
Oui et non.
Oui car des débats sans accusé ni avocats de la défense n'ont plus de sens.
Non car, désormais, la défense d'Yvan Colonna va se poursuivre dans l'opinion publique.
Sur le plan judiciaire, les jeux sont faits.
Sauf surprise, on voit mal comment la Cour d'assises pourrait acquitter Yvan Colonna alors même qu'elle refuse de tester à l'épreuve de la réalité la thèse de l'accusation.
Son verdict sera à jamais entaché d'un soupçon de partialité.
L'absence de preuve matérielle et les ratés de l'enquête ne sont apparemment pas suffisants pour renverser la présomption de culpabilité qui pèse sur Yvan Colonna depuis que les assassins du préfet Erignac l'ont mis en cause durant leurs gardes à vue.
Peu importe qu'aucun témoin occulaire ne l'ait reconnu comme le tireur et que l'un d'eux ait même affirmé être sûr et certain que ce n'était pas lui.
Peu importe que les enquêteurs aient menti en affirmant qu'ils étaient tombé par hasard sur Yvan Colonna alors même qu'ils ont admis au cours de ce second procès que leurs soupçons s'étaient portés sur lui plusieurs mois avant l'arrestation des membres du commando.
Peu importe qu'il ait été démontré que le nom d'Yvan Colonna ait circulé de garde à vue en garde vue alors que celles-ci auraient dû être imperméables.
Peu importe que la balistique conclut à ce que le tireur devait être plus grand que ne l'est Yvan Colonna.
Seul peut suffire à faire condamner Yvan Colonna la parole accusatrice rétractée de certains membres du commando et de leurs compagnes.
Cette seule charge condamne Yvan Colonna.
Les propos sibyllins qu'ont échangés certains membres du commando et Yvan Colonna n'ont pas non plus aidé la défense.
D'autres secrets semblent encore lier les membres du commando et Yvan Colonna.
Mais un doute subsistera toujours.
Yvan Colonna était-il une simple relation de certains membres du commando dont, éventuellement, il approuvait certaines actions ?
Auquel cas, il est condamnable moralement mais pas pénalement.
Ou, au contraire, a-t-il participé au commando ayant assassiné le préfet Erignac ?
Le procès n'a pas permis de faire jaillir la vérité.
Quoi qu'on pense de leur stratégie de défense, le mérite des avocats d'Yvan Colonna aura été de faire apparaître aux yeux de tous l'existence de ce doute.
On ne peut leur faire grief de ce que la Cour ait décidé de ne pas en tenir compte.